La Cocarde : 5 ans au coeur des espoirs et malheurs de la droite

La Cocarde Étudiante a cinq ans. Par ce texte écrit à deux mains, nous avons souhaité revenir sur une aventure politique originale qui, à sa manière, a traversé le bouleversement de la vie politique française des cinq dernières années. 

Prologue : le ver est dans le fruit

Nous sommes en septembre 2014 ; Maxime Duvauchelle, responsable de l’UNI Assas, membre des Jeunes de la Droite populaire, et Pierre Gentillet, président de cette même structure politique, songent déjà à quitter rapidement cette formation qui est au seul service de l’UMP pour fonder un autre mouvement. Sans même encore la nommer, ils conçoivent La Cocarde. Un mouvement avant-gardiste dans lequel des jeunes de tous les partis souverainistes, patriotes et hostiles à l’idéologie libérale se réuniront naturellement. Un coup d’avance. Ils voulaient montrer que le vieux monde était mort et entendaient anticiper l’avenir.

La décision est donc prise de profiter quelques mois encore de la position de Maxime pour recruter et préparer de nombreux militants à cette grande aventure. Pierre se chargea quant à lui de trouver les contacts presse et des réseaux de jeunes militants un peu partout en France pour étoffer le futur mouvement.


PREMIÈRE PARTIE : « NATIONAUX DE TOUT LE PAYS, UNISSEZ-VOUS » 

Par Pierre Marin

Il est 19 heures, le 6 Mai 2015. Dans une salle de travail réservée pour l’occasion, quatre jeunes gens sont réunis pour un petit évènement qui ne fera pas grand bruit en dehors des cercles parisiens, veilleurs de la moindre intrigue du milieu politique “jeune”. Maxime, Pierre, Samy, Edouard et l’auteur de ces lignes viennent de lancer la Cocarde Étudiante.

« Cocarde » est une trouvaille de l’un d’eux lors d’un verre prit plusieurs semaines auparavant dans le quartier Latin, haut lieu de politisation depuis toujours, gauche et droite confondues. Tout dans le symbole, ce nom devait leur servir pour une modeste association au sein de leur faculté. Étudiants en droit, ils avaient fréquenté, et pour un temps dirigé, la section de l’UNI. Ne s’y sentant pas toujours à l’aise et animés par d’autres convictions, ils lancent une association destinée à porter la voix d’étudiants classés généralement à droite.

Le marqueur est trouvé, et parce que tous les courants politiques d’alors s’en revendiquent : ce sera le général de Gaulle. À la cocarde sera ajouté un lion : très présent dans la tradition chrétienne française, il fut utilisé par les ordres de chevaliers. Courage et vaillance ? Qu’à cela ne tienne. Et puis « ça rend bien ». L’ambition du groupe ? Réunir un maximum de gens et politiser. Le modèle sera l’UNEF (oui, oui!). Depuis des nombreuses années, et bien qu’ayant perdu de sa force, la gauche universitaire réunit toutes ses tendances en son sein, fait naître des vocations et politise une grande partie de la jeunesse. La forme ? Celle que nous pourrons lui donner. Hors de question de faire ce qui existe déjà et de servir de force d’appui à un parti.

Les intérêts estudiantins n’intéressant pas grand monde, la dimension politique primera. Ce créneau risqué, pris dès le début, et qui s’avérera gagnant, n’avait cependant rien d’évident dans à époque où les certitudes n’allaient pas tarder à s’évaporer.

 

De l’or en barre

Quelques mois auparavant, une autre péripétie avait eu un retentissement inattendu dans le paysage politique. Le 1erJanvier 2015, une quinzaine d’amis se retrouve dans un appartement de ce même quartier Latin. Le lendemain, la presse nationale se déchaîne. L’hebdomadaire Marianne révèle que l’hôte est une adhérente FN. Des membres de la nouvelle jeunesse montante du parti de Marine Le Pen fêtent en musique la nouvelle année. Parmi eux, un certain Jordan Bardella… et quelques connaissances de gauche. Le hic ? La présence de militants en vue de l’UMP (ex LR). L’ « affaire » du réveillon était lancée. Le premier secrétaire du parti au pouvoir ira jusqu’à demander à Nicolas Sarkozy et Alain Juppé la condamnation de nos amis… Le ridicule ne tue pas… enfin pas immédiatement en ce qui les concerne.

Trois des fondateurs de la Cocarde en étaient.

Si retrouver les photos d’amis Facebook sur BFM peut amuser, nous étions consternés par les proportions prises, ne comprenant pas le tollé provoqué. Notre génération n’a aucun de ces codes anciens, de ces « cordons sanitaires » puérils et insensés qui ont toujours assuré à la droite française sa défaite morale, victime de l’arnaque Sarkozy, coincée dans sa peur obsolète du ‘’socialo-communisme’’. Cette génération est consciente d’une fracture croissante et profonde mais est encore loin de se douter de ce qui allait advenir. Les codes inculqués par l’éducation nationale, répétés par la presse, et ce qui restait d’une certaine pression sociale n’avaient pour nous plus aucune espèce de valeur. Tout ce qu’universitaires, intellectuels ou artistes « engagés » avaient écrit pour en finir avec « nous » était au contraire la raison et la motivation de notre (r)éveil. Nous récoltions les fruits sociaux et civilisationnels de leur funeste semence, et la réalité du monde commençait à peine mais inéluctablement à balayer leurs rêveries de libéraux archaïques.

D’une transgression adolescente, l’enjeu était devenu très sérieux.  Nous les savions nombreux, les gens “comme nous”, sentant bien que les choses allaient dans “notre sens » et que venait le décloisonnement qui allait balayer tout ce vieux monde politique et rendre plus ringarde que jamais cette droite libérale et européiste. Mais, à cette heure, personne ne se parle encore. Ce « piège de Mitterrand », dont tous les tenants de « l’union des droites » parlent aujourd’hui, nous allions le déjouer avant tout le monde, à notre échelle. Issue de milieux familiaux et sociaux aussi divers que variés,  n’accordant pour une partie d’entre-elle pas le moindre intérêt à un monde qui déjà la fatigue, cette génération est observée, analysée, et inquiète les sachants dont elle est la créature. La Cocarde eut d’ailleurs le droit à quelques lignes à ce sujet dans Les nouveaux enfants du siècle d’Alexandre Devecchio, paru en 2016.

Nous avions trouvé le créneau politique.

Si le vieux monde a explosé en 2017, il était mourant depuis bien longtemps. Union Européenne, pauvreté, inégalités, immigration, insécurité : un jeune UMP sincère de l’époque se sent à l’évidence bien plus proche du nouveau Front de Marine, que de Manuel Valls et François Hollande. A cet instant, loin de se douter du grand chambardement à venir de la vie politique française, européenne et mondiale, et dans l’innocence des jeunes âges, bien conseillés par quelques rêveurs de l’union des français de cœur, nous avions touché à quelque chose de plus grand que nous.

Dans la période trouble où le tableau figé de quarante années de vie politique français semble se déliter, les soutiens seront prudents, les clins d’œil nombreux. Quelques députés UMP manifesteront leur intérêt. Les cadres de Debout la France voient l’initiative d’un bon œil, se tenant à disposition si besoin, et n’hésiteront pas dans leur ensemble à saluer l’unité prônée, jusqu’à l’appel chaleureux de Nicolas Dupont-Aignan en septembre 2015. Il faut se souvenir que ce dernier recevait alors Jean-Pierre Chevènement à l’occasion de son université d’été. Un contact courtois et poli à Florian Philippot parachèvera le coup de communication : un tweet du vice-président de ce qui était encore le Front National mit en lumière la petite aventure.

 

Une unité (pas si) évidente

L’évènement du réveillon nous avait fait comprendre l’attrait irrationnel des journalistes pour la proximité amicale entre jeunes de différents partis. Nous nous en sommes donc servis. Finie la défense gênée de nos vie privées, instituons l’évidence. De mai à septembre 2015 les articles de presse se sont succédés et les sollicitations ont suivi. L’enjeu était alors de ne pas décevoir. La première escarmouche ira droit au but et sera vue comme une provocation : réunir les responsables jeunes de tous les partis de droite (et au-delà) dans un café parisien. Relayé par L’Opinion, l’évènement eu l’effet escompté.

La première conférence de La Cocarde. De gauche à droite : Gaëtan Dussaussaye (FNJ), Alexandre Loubet (jeunes DLF), Maxime (alors président de La Cocarde) et Gabriel Melaimi (jeunes de la Droite populaire)

Devant une cinquantaine de jeunes gens, Alexandre Loubet (président des jeunes Debout la France), Gaëtan Dussaussaye (président des jeunes du Front Nat) et Gabriel Melaimi en charge des jeunes de la Droite Pop (courant souverainiste marqué de l’UMP) se portent la contradiction sur le modèle de l’université à la française. Loi LRU et rôle de l’Etat, méritocratie et égalité des chances… Un sujet peu attrayant prit une tournure intéressante. Un quatrième invité avait été annoncé. Les jeunes du MRC, Chevènementistes chevronnés, avaient promis un de leur membre pour les représenter. Renonçant peu avant la réunion, les « républicains sans reproche » nous dirent avoir reçu de sérieuses menaces de l’état-major de leur micro-parti.

Les souverainistes de gauche sont nombreux à Paris. Ils n’existent d’ailleurs peut-être qu’ici, l’ensemble des « patriotes de gauche » et du vote ouvrier du nord étant déjà en transhumance vers Marine Le Pen. Eux-aussi voyaient dans le jeu du clivage gauche-droite les raisons de leurs défaites politiques. Notre rencontre fut un coup de cœur, l’échange passionnant. Si nous avions l’habitude d’évoluer au milieu des opinions divergentes, la découverte de gens supposés être à l’opposé de nos orientations, le dialogue d’analyses et le partage de lectures furent un vrai plus pour nos réflexions. L’échange s’arrêta là, il se poursuivra à l’ombre des regards. Nous prendrons soin de laisser une chaise vide au côté des trois intervenants, le sourire de toutes ces nouvelles têtes en disait long.

Le réseau commençait tout juste à se tisser. Il était vital de s’imposer comme une plateforme, au risque de tomber dans une mondanité néfaste. La soirée organisée sur une péniche au crépuscule des beaux jours fût l’occasion de faire se rencontrer tout ce petit monde… et de mesurer la hauteur de la tâche. Le grand malheur des souverainistes a toujours été le même : l’absence d’unité. Abattu par les mêmes qui en avaient trahi l’héritage en 1992 et 2005, ce courant de pensée devenait le moteur essentiel du nouveau FN. L’unité des Français de cœur nous apparaissait comme la ligne à tenir face à ce que nous appelions la ‘’Droite Rivaton’’. Soutien à l’OXI du peuple grec, étudiants précaires, les sujets de sensibilisation ne manquaient pas. Plus tard, dans un grand dossier Causeur sur la jeunesse souverainiste des « deux rives », Daoud Boughezala intégrera la Cocarde dans les nouvelles expériences souverainistes naissantes. Jean-Yves Camus parlera lui de « souverainistes de droite, tendance union des droites ».

 

Exister 

Loin des milliers d’euros de moyens de l’UNEF et des syndicats aussi historiques qu’inutiles à notre entreprise, la situation réelle de la cocarde poussait à la prudence. Après avoir misé sur le groupe et l’espace laissé, le temps était venu de sortir du milieu et de chercher de nouvelles recrues.

Premier invité de premier plan du mouvement : Nicolas Dupont-Aignan, reçu à Assas.

L’activité militante bat son plein dans les premières sections. Nous réunissions les responsables des embryons de sections parisiennes et en région. Après deux jours d’élection à Clignancourt et en Sorbonne, le premier élu de la Cocarde est là. Gabriel de la Cocarde Paris IV prendra ensuite la charge de la gestion en Ile de France et de tout ce que son temps libre lui laissera le temps de réaliser… Tandis que nous réfléchissons aux opportunités qui se présentent, est confié à Pierre-Romain, recruté à l’occasion de cette récente élection, le soin de poursuivre la tenue des conférences et de produire quelques écrits.

Les réflexes partisans ne sont jamais bien loin, et les nuances multiples. Si nous prétendions pouvoir faire vivre ces courants au sein du même organe, le défi commençait tout juste. Tenants d’un Etat fort aux obsédés de la dépense publique, des « européens alternatifs » aux Frexiters les plus forcenés, des lecteurs attentifs de Jean-Claude Michéa aux auditeurs du conservateur Bellamy, la cocarde brassait les identifications politiques. La jeunesse de ces orientations fût une chance pour faire coexister ce petit monde.

A Yvan Blot, succéda Nicolas Dupont Aignan, reçu à Assas dans un petit amphithéâtre. Décontracté et visiblement heureux de s’exprimer devant des étudiants (dont certains étaient venus par pure curiosité), il succomba même à l’idée de faire une photo avec Kelly Betesh, membre de la Cocarde mais également figure du FNJ d’alors. Passée inaperçue à l’époque, cette photo nous revint à l’occasion du second tour de la présidentielle… La cocarde était devenue un lieu de sociabilité et d’ouverture. Et si certains jeunes FN restaient prudents vis-à-vis de nous, eu égard aux échéances électorales à venir, beaucoup disaient leur joie d’être considérés au sein d’autres structures.

La Cocarde reçoit Henri Guaino

Vint ensuite Henri Guaino. Le haut-fonctionnaire gaulliste et conseiller élyséen de Nicolas Sarkozy ne mâchât pas ses mots contre sa propre famille politique qui nous promettait le match des titans pour la présidentielle à venir. Juppé contre Sarkozy, rien de tout cela n’était bien attrayant. S’en suivit Gilles Lebreton, professeur de droit public et député européen Front sur la construction européenne, et d’autres noms moins médiatiques…

Du côté des troupes, la stratégie de se présenter aux élections eu diverses fortunes. Peu après l’élu de Paris-Sorbonne, Assas fournit le sien non sans mal. Hors Paris, les sections étant parvenues à un niveau correct réussissent à déposer aux scrutins des divers conseils. Sans succès malgré une belle mobilisation à Perpignan, Aix-Marseille ou Caen, et avec réussite à Montpellier, Versailles-St-Quentin sans oublier les 4 élus d’Albi. Cette dernière section était un modèle pour nous : un responsable issu de l’UMP, une adjointe sympathisante Front et une petite bande « non-alignés »… Les cadres locaux des partis voyaient la chose d’un très bon œil.

La liste de Paris 1 fit face quant à elle à une violente réaction. L’extrême-gauche, qui avait fini par nous remarquer, désigna la Cocarde comme son adversaire principal et s’acharna physiquement sur nos membres qui n’eurent d’autre choix que de se retirer au premier jour d’élection. Tant pis pour cette fois. Les idiots utiles nous ont remarqué, ils participeront à nous faire une spectaculaire publicité auprès des étudiants qui les subissaient à longueur de semestres. Après cette éprouvante première année, les têtes de la Cocarde changeront une première fois.

 

2016-2017, on change de monde

La vie politique française est à l’aube d’un improbable moment. Alexis Corbière, lieutenant de Jean-Luc Mélenchon, parlera du moment dégagiste. Je ne peux évidemment qu’approuver. C’est véritablement le sentiment de chacun à mesure que l’élection présidentielle approchait. Ailleurs dans le monde, les tsunamis électoraux emportaient tout sur leur passage.

Juin. Nous sommes réveillés à 8h par une improbable nouvelle venue d’outre-manche. J’appelle mes camarades, médusés tout comme moi. Le Royaume-Uni vient de voter la sortie de l’Union Européenne. A la radio, les éditorialistes sont KO. Il y a un plaisir sain à les entendre dérouler les éléments de langage, décision est prise de fêter l’évènement le soir même. De nombreux sympathisants jeunes se joignent à nous, et quelques cadres politiques passent une tête.

Novembre. La tentation de veiller pour suivre le dénouement de l’élection la plus burlesque de l’histoire démocratique est forte. Le soutien au candidat républicain est difficile à assumer tant il est parfois caricatural. Mais Trump dit des maux de la société américaine pas si lointains de ceux que nous constatons en France. Plus encore sur la politique internationale, la fin de la doctrine Albright et l’écrasement apparent des néo-conservateurs fait rêver tout autant que de voir Clinton s’écraser. Avec plus d’humour que de sérieux, nous le soutenons. A 3h du matin, la blague se termine. Trump joue fait le show, les observateurs dépensent leur énergie à s’en exaspérer, l’Amérique bascule. Le soir venu, dans un bar proche d’Odéon, la pensée de tous est la suivante : tout est devenu possible.

On ne naît pas militant, on le devient. Ici Mathieu à l’exercice ô combien redouté de la « prise de parole en amphi ».

Dans la foulée, Juppé, Sarkozy et Valls sont violement balayés par les primaires organisés à droite et à gauche. Et tandis que les encartés se consacrent à leur écurie, la Cocarde comme mouvement s’engage contre Emmanuel Macron. Rapidement, l’ancien ministre de François Hollande est vu comme l’adversaire idéal ; idéologiquement en opposition sur tout, et son « aventure solitaire » décrite par tout le milieu de l’époque nous inspire beaucoup de sérieux. Avant même l’affaire Pénélope Fillon, il était clair que lui aussi avait compris le moment politique à venir.

Aux plus jeunes de nos lecteurs qui n’ont pas encore connu l’implication dans une campagne présidentielle disons-le : tout militant politique s’engage pour vivre une telle aventure. Chacun à son poste de combat, parce qu’il en est bien question, on ressent l’engouement et le champ des possibles. Cet évènement que nos institutions ont rendu sacré est un rendez-vous à ne pas manquer. Le second tour de la présidentielle verra le parachèvement du travail à l’échelle de nos membres. Dégoutés, nos soutiens de François Fillon font bloc plus ou moins discrètement derrière Marine le Pen, certains allant même jusqu’à s’engager sur le terrain. Partout sur les réseaux sociaux, la jeunesse autrefois hostile semble se rebeller contre le final attendu. Mais le pays ne suivra pas, bien peu d’électeurs de la très nationale campagne de Jean-Luc Mélenchon s’opposeront au nouvel homme fort et les électeurs de François Fillon choisiront le portefeuille plutôt que la nation. L’échec de cette convergence aura de lourdes conséquences.

Quoi qu’on en dise, 2017 fût un traumatisme pour beaucoup, et en premier lieu la mouvance souverainiste, le score de Marine Le Pen s’expliquait certainement par des manques concernant la monnaie unique. La Cocarde ne fait pas exception, près des trois quarts du mouvement réduit ou met un terme à son engagement. C’est le cas de votre serviteur, observateur plus ou moins attentif depuis.

Septembre venu, Quentin Limongi, fraîchement nommé Président du mouvement, ramasse les morceaux. Les destins et évolutions de chacun ont changé les têtes. Décision est prise de recentrer les activités de l’association sur la Sorbonne.

 

 

DEUXIEME PARTIE : RECONSTRUIRE AU MILIEU DES RUINES

Par Pierre-Romain Thionnet

 

La fin d’une parenthèse

Impossible de comprendre la suite de l’aventure si l’on ne se souvient plus de l’ascenseur émotionnel constitué par l’élection présidentielle, ou comment, en l’espace de quelques semaines, tout a semblé possible avant que tout ne s’effondre. Et pour une association étudiante qui a toujours assumé prendre part au débat politique, dont toute l’énergie motrice a pour finalité de pouvoir, le temps venu, participer au redressement du pays, il faut imaginer ce que représente cette douche froide électorale. Difficile alors de voir le verre à moitié plein : une candidature nationale qualifiée au second tour, bien soutenue par la jeunesse, avec un score deux fois supérieur à celui de Jean-Marie le Pen en 2002 et plus de onze millions de suffrages.

Comment repartir de l’avant alors que l’effervescence d’une campagne présidentielle a pris fin, alors qu’il n’y a plus d’objectifs majeurs à l’horizon ? Comment maintenir les rangs, et, plus dur encore, comment les faire grossir ? D’autant qu’il faut survivre à l’été, saison que toute organisation politique sait des plus délicates puisque les motivations politiques parfois légères chez certains finissent parfois par disparaître définitivement derrière les loisirs et les plaisirs en tout genre.

Ce serait mentir et se mentir que de dire que le syndicalisme étudiant suscite des vocations derrière les seules thématiques du budget, des réformes de l’enseignement ou du logement. L’Université n’a jamais été intimement imperméable aux débats qui agitent la sphère politique ou aux actualités du monde. C’est d’ailleurs ce qui fait tout son charme, pour le meilleur et pour le pire. Le syndicalisme étudiant est bien souvent le reflet de la lutte politique nationale, des dynamiques semblables l’agitent et le secouent, et ne pas faire avec cette réalité serait ne rien y comprendre.

Paradoxalement, cette élection, qui a balayé le clivage gauche-droite lors du second tour pour opposer le camp populiste et nationaliste à celui des défenseurs de l’ordre libéral établi, a remis le clivage gauche-droite sur le devant de la scène.

Pendant de longs mois, nous ne reverrions plus ces tribunes remplies d’espoir appelant à l’union des souverainistes des deux rives. Nous ne guetterions plus avec le même espoir les petits rapprochements, les petits signes d’ouverture des anti-système de droite vers ceux de gauche, et vice-versa. Les rêveries de quelques essayistes que nous suivions et les croyances sincères de quelques militants ne suffisent pas à faire advenir les choses. La gauche ne « nous » avait pas rejoint dans un grand élan bleu-blanc-rouge pour faire battre Macron ; ses cadres bien entendu, englués dans une posture antifasciste qui fait le jeu du Système ; mais sa base non plus, ou dans une très maigre proportion malgré les appels du pieds appuyés. C’était la fin d’une parenthèse, au moins temporairement, celle du « ni droite ni gauche ». La Cocarde continuerait à prêcher le rassemblement au-delà des partis, mais elle ne pouvait échapper au débat qui allait s’installer : quel avenir pour la droite ?

 

La droite est morte, vive la droite

La politique française est devenue un champ de ruines. La droite telle que nous l’avions connu depuis nos plus jeunes années n’existe plus : elle est largement aspirée par ce qu’incarne Macron. Une partie se rallie définitivement à l’original, le FN, plutôt qu’à la copie. Au milieu, quelques figures n’ont pas osé monter dans le premier wagon du macronisme (ils ne manqueront pour rien au monde les suivants), d’autres sont encore sous le choc et n’attribuent la défaite qu’à un vaste complot médiatico-juridique, tandis que d’autres encore accusent les accents trop conservateurs du candidat Fillon et la mainmise de Sens Commun.

Ce qui nous parle alors, c’est l’analyse qui est faite par certains, et d’abord par Patrick Buisson : l’union de la droite. La base populaire de l’ « ancienne gauche » est désormais largement acquise au Front National, et il n’y a rien à attendre des cadres de la gauche. Les réserves de voix qui ont manqué au second tour, pour que l’emporte une candidature du camp national, se trouvent du côté de l’électorat de la droite « classique » qui s’est abstenu au second tour ou a d’abord choisi ses valeurs pécuniaires en choisissant Emmanuel Macron. Il est moins question d’une entente entre partis et cadres (qui imagine LR signer une quelconque alliance avec sa droite, au risque de disparaître ?) que de s’adresser à un électorat.

Cet électorat, il faut le faire décrocher du portefeuille, il faut lui montrer qu’en réalité ceux pour qui il décide de voter malmènent depuis des années ce qu’il entend préserver ! Lorsque la droite « Manif pour tous » tendra la main au petit peuple, nous l’emporterons. Voilà ce en quoi nous croyions, et les initiatives politiques qui devaient éclore ici ou là allaient renforcer nos certitudes.

Quentin Limongi, ancien président de La Cocarde, aux côtés de Nicolas Dupont-Aignan et de Jean-Frédéric Poisson lors du lancement des Amoureux de la France.

Avec la plateforme des Amoureux de la France, Nicolas Dupont-Aignan cherchait à relever la tête, entaché par la défaite après son ralliement courageux à Marine le Pen pour vaincre Macron. Il trouve notamment le soutien de Jean-Frédéric Poisson, ainsi que celui d’Emmanuelle Ménard. En octobre 2017, nous acceptons l’invitation à participer au lancement officiel de l’initiative aux côtés des têtes d’affiche, ce qui nous procurera une médiatisation bienvenue en ce début d’année universitaire. Notre président, Quentin, répondra à de nombreuses sollicitations, ici à Tours, là à Nice, afin de porter le message de rassemblement nécessaire que nous nous attelions à bâtir dans les facs.

C’est ainsi qu’avec le dévouement sans faille des fidèles, renforcés de quelques recrues du quartier Latin et de Versailles, et avec l’appui de prédicateurs de l’union de la droite, nous parvenons à sauver les meubles et à maintenir la flamme de notre mouvement, qui, nous en sommes persuadés, est loin d’avoir d’avoir dit son dernier mot. La Cocarde subit comme toutes les forces nationales une baisse de l’engouement militant, mais ce qu’elle propose ne peut pas être effacé par la conjoncture. Car, en dehors d’elle, il n’existe alors plus aucun point de rassemblement de la jeunesse étudiante patriote. À l’exception de quelques campus universitaires où il continue de faire le boulot, le syndicat historique de la droite, l’UNI, n’est plus que l’ombre de lui-même. Il survit grâce aux gesticulations de son président quarantenaire, grâce à une poignée de coordinateurs rémunérés et « délocalisables » et se complaît dans les fauteuils des conseils universitaires comme le font ses aînés au Sénat. Il ne voit pas alors, et n’a toujours pas vu, qu’il n’est plus en phase avec les attentes de ceux qui ont soif d’engagement.

En 2018, l’agitation printanière des campus étudiants à l’occasion de l’opposition à la loi sur la sélection va être l’occasion pour nous de monter au créneau et de vérifier sur le terrain tout ce que nous ressentions et espérions.

 

La divine surprise des blocages

En recevant Jean-Frédéric Poisson, le président du Parti Chrétien-démocrate, puis Jordan Bardella, qui est alors porte-parole du Front National et directeur de sa branche jeunesse (FNJ), nous continuons à placer la Cocarde dans le giron de cette union de la droite en laquelle nous croyons. Dans le milieu militant parisien, notre position est désormais connue de tous, et notre caractère transpartisan permet à chacun des partis de jouer la carte du décloisonnement en cette période de reconstruction.

La mobilisation particulièrement soutenue de la gauche dans les universités va rediriger toute notre attention vers les réalités du terrain. Sur le fond, cette loi ORE, qui déchaîne les syndicats de gauche, n’est pas une mauvaise loi et nous sommes favorable aux marges de manœuvre qu’elle entend donner aux universités en matière de sélection car celle-ci est juste et donne toute sa place au mérite. De nombreuses facs de France sont en ébullition, mais c’est rapidement le site de Tolbiac (Paris 1-Panthéon Sorbonne) dans le XIIIe arrondissement qui devient le cœur et le symbole de l’opposition estudiantine en s’autoproclamant « Commune libre de Tolbiac ». Les assemblées générales ou « AG » qui y sont tenues sont des mascarades de démocratie directe. Elles sont noyautées par quelques agitateurs gauchistes rôdés à la manipulation et à l’intimidation des masses. Nous sommes conscients de tout cela, mais l’occasion est unique de faire sa place dans le militantisme sorbonnard autrement qu’en publiant des communiqués numériques.

Dans un bar du quartier Latin, après la période des blocages, nous fêtons notre premier élu à Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Nous prenons en main l’une des conversations les plus actives d’étudiants « ordinaires » opposés au blocus, et convenons d’une participation massive à l’AG du jeudi 29 mars pour voter la non-reconduction du blocage. Romain et son acolyte, étudiants pleins d’entrain fraîchement acquis à notre mouvement, doivent s’y exprimer et faire entendre l’opposition. Mais tout ce que le Paris étudiant compte d’ « antifas » est là, cagoulé, équipé et survolté dans cet « amphi N » en ébullition. La poignée de nos militants qui est présente est vite identifiée dans les bancs et sommée de quitter les lieux. Nous refusons, mais à moins d’une dizaine contre des dizaines, nous sommes bien obligés de nous frayer du mieux possible un chemin vers la sortie au milieu des coups reçus et rendus. À notre grande surprise, une fois en zone sûre, plusieurs visages inconnus sont avec nous. Ils ont pris spontanément notre parti dans la mêlée confuse. Ils deviendront des compagnons de route.

 

Distribution de tracts devant le centre de Tolbiac (Paris 1 Panthéon Sorbonne)

En quelques jours, nous étions devenus le point de convergence naturel de tous ceux qui entendaient s’opposer au maintien ou à la mise en place de nouveaux blocages. Les profils de toute cette nouvelle génération de militants de la Cocarde ne ressemblaient en rien aux précédents : non encartés dans un parti, peu « politisés », ils éprouvaient surtout un immense ras-le-bol à l’égard des syndicats d’extrême-gauche, de leurs « luttes », de leurs méthodes, de leur arrogance et de leur bêtise crasse.

Forts de ce nouveau statut, avec des effectifs bien renfloués, et aux côtés d’étudiants « apolitiques », nous pouvions alors multiplier sur différents sites universitaires parisiens les mises en échec des blocus, à la grande (mauvaise) surprise de la gauche. Notre cote de sympathie était en pleine croissance, ce qui était clairement mesurable au nombre toujours plus important de participants à nos « pots » de cohésion hebdomadaires. Du même coup, l’extrême-gauche nous ciblait clairement comme adversaire politique, et ce jusque dans la hiérarchie de la France Insoumise en la personne d’Éric Coquerel, dit « l’Entarté ». La rançon de la gloire.

 

Nécessaire mais impossible union

L’année universitaire touche à sa fin. En dehors du terrain de la contestation étudiante, nous poursuivons notre ancrage dans ce qui a alors le vent en poupe : la « droite hors-les-murs ». Dans une infographie, le magazine L’Express nous inscrit dans cette galaxie hétérodoxe, aux côtés notamment de Thierry Mariani qui, comme nous quelques semaines plus tôt, a signé « l’Appel d’Angers » pour l’unité de la droite. Cette initiative, poussée par l’intellectuel Guillaume Bernard, ne débouchera sur rien de concret mais est emblématique de l’esprit du temps. On y retrouve tout ce que la droite compte de chevau-légers, de Charles Beigbeder à Robert Ménard en passant par Jean-Frédéric Poisson, Nicolas Dhuicq, Bruno North, Julien Rochedy ou Jacques Bompard, ainsi que des élus locaux des différents partis dont le FN. Ce dernier nous convie d’ailleurs en juin à la soirée de lancement de sa nouvelle structure de jeunesse, Génération Nation, avec laquelle nous entretenons de très bonnes relations.

Depuis la création du mouvement en 2015, le credo est celui de briser toutes les digues qui empêchent une possible victoire politique. Participer à cette entreprise qui vise à faire travailler les bons éléments de la droite classique (LR) avec la force incontournable qu’est le FN, c’est donc pour nous faire preuve de continuité en étant présent là où il le faut. Cette perspective nous apparaît alors plus que jamais possible avec le changement de nom du parti de Marine le Pen en Rassemblement National, ce qui augure une ouverture à ceux qui se situent dans son orbite mais qui hésitent encore à franchir le pas.

La rentrée politique, à partir de septembre 2018, consacre l’apogée mais annonce aussi la fin de cette parenthèse unioniste de la droite française. Nous sommes invités par Nicolas Dupont-Aignan au congrès de rentrée de son parti au Cirque d’Hiver. Mais les journalistes s’intéressent alors beaucoup à Erik Tegnér, candidat à la présidence des jeunes LR, qui tient un discours de décloisonnement de son parti et de rapprochement avec le RN. Nous le rencontrons le temps d’un déjeuner, et acceptons de nous rendre à l’événement qu’il organise sur une péniche parisienne. Il apparaissait alors comme une carte à jouer pour accélérer la grande clarification tant attendue des Républicains, un poil à gratter qui doit faire crever l’abcès. Tout cela allait dans notre sens. Mais les revirements trop nombreux de son parcours et le resserrage des rangs partisans à l’approche des élections européennes doucheront ses ambitions. Le navire de l’union de la droite commençait à prendre l’eau. Il faut dire que beaucoup de ses matelots n’avaient pas de mots assez durs pour le parti de Marine le Pen et pensaient sérieusement pouvoir faire sans compter sur son aval. Le résultat des élections européennes en mai 2019 allait remettre les pieds sur terre à beaucoup.

 

Le combat culturel…

Dans les facs en revanche, la droite a de beaux jours devant elle. Le terme permet une clarification immédiate même s’il ne dit rien ou presque du contenu. Lorsque vous êtes en (extrême) minorité, le moment est mal choisi pour adopter des qualificatifs évasifs et qui tournent autour du pot. À la guerre comme dans la politique, l’ennemi vous désigne autant que vous vous désignez, et en l’occurrence cet ennemi a les moyens de nous désigner aussi auprès de nombreux étudiants. Que vous vous revendiquiez le plus honnêtement du monde « souverainiste », « gaulliste » ou « patriote » et que vous passiez dix minutes à vous justifier de n’être pas un « méchant » n’y changera rien. Vous êtes d’ « extrême-droite » ou au mieux « de droite ».

Septembre 2019. La Cocarde reçoit François Bousquet.

Lancée péjorativement, cette situation, « de droite », est en fait un point de ralliement somme toute pratique. Il permet de dire clairement que, si vous n’êtes pas « eux » (les « gauchistes » croisés au quotidien dans la fac), alors vous êtes plutôt avec « nous ». Et tout le monde ne s’arrête pas aux étiquettes un peu caricaturales et aux noms d’oiseau jetés. Dans nos rangs, ils sont plusieurs à « venir » de la gauche ou de l’extrême-gauche, et n’ont pas eu l’impression de se renier en nous rejoignant. De même que lors de rares discussions avec l’adversaire le temps d’une élection, ce dernier est bien dérouté lorsqu’il se rend compte que l’on peut être de droite et ne pas être à la solde du grand patronat ou un macroniste qui s’ignore. Plus que la gauche, c’est la « droite » que cela déroute, incapable de comprendre que non, la droite n’est pas née avec l’UMP, que le libéralisme n’est pas dans son essence même, et que dans bien des domaines elle marche main dans la main avec ceux auxquels elle prétend s’opposer. Nous prenions d’ailleurs grand soin, quand tout le monde invoquait l’ « union des droites », de parle d’ « union de la droite ». Un chipotage sémantique ? Loin de là. Ceux qui parlent d’union des droites veulent réaliser un amalgame douteux entre tout ce qui, dans les appareils politiques, est à droite d’Emmanuel Macron (quand ils ne font pas l’éloge de ce président qui, décidément, ose faire ce que « nous » n’aurions jamais osé faire, sur les retraites notamment). Sans cela, « nous » serions forcément perdants en 2022. Mais il n’y a pas de « nous » qui tienne. Nous répétons à l’envi qu’il n’y pas d’avenir en commun avec cette « droite des affaires » ou libérale, qui trahira sans sourciller son surmoi conservateur lorsque les circonstances le demanderont. Il n’est pas tout à fait exact de dire que le clivage gauche-droite s’est envolé. Il est plus juste de dire qu’il n’est pas suffisant. On peut en effet convenir qu’à droite comme à gauche un clivage sépare les antilibéraux des libéraux, les populistes des autres. Mais ces « nationaux-populistes » sont loin de former un même bloc, en raison notamment de sujets identitaires, du rapport à l’immigration et à l’islam. L’espoir n’en est pas moins permis lorsque l’on voit la dérive indigéniste du mélenchonisme et son rejet des quelques éléments patriotes et républicains qu’il contenait : il n’est pas exclu que l’électorat populaire et une partie de la classe moyenne qui le soutenait s’en remettent finalement au populisme de droite.

Alain de Benoist aux côtés de Luc Lahalle (à gauche), président de La Cocarde Étudiante.

Ces clarifications disons « intellectuelles », nous leur accordons un intérêt tout particulier. D’autant que Luc Lahalle, le nouveau président du mouvement depuis janvier 2019, fait du combat culturel l’une des priorités de nos activités. Friand des écrits de la galaxie de la Nouvelle droite, le « gramscisme de droite » lui parle. L’été précédent, avec votre serviteur, nous nous étions fait plaisir en concoctant une série estivale de #LecturesCocarde sur les réseaux sociaux. Le succès avait été largement au rendez-vous, ce qui nous avait persuadé de consolider cet enjeu que l’on dit un peu pompeusement « métapolitique ». Et le contexte était porteur : François Bousquet, le rédacteur de la revue Éléments, venait de lancer avec son équipe le projet de La Nouvelle Librairie. À deux pas de la Sorbonne, elle est idéalement située, et nous invitons fortement nos militants à s’y approvisionner en cartouches intellectuelles et à explorer toutes les traditions intellectuelles et littéraires qui sont proposées. Ce sera également un lieu où il est possible de rencontrer les écrivains et les essayistes que nous lisons depuis des années, ce qui est toujours fondateur dans un parcours militant.

Soirée de formation militante.

Le cycle de conférence de La Cocarde, initié dès les débuts du mouvement, est un des éléments de cette appétence pour la lutte idéologique. Des personnalités politiques de premier plan y sont reçues, mais nombre d’universitaires et d’intellectuels ont également accepté d’y contribuer. Alain de Benoist y présente son essai sur le libéralisme, Pierre-Yves Rougeyron et J-Y Le Gallou y débattent d’Europe, l’on y évoque pêle-mêle l’écologie politique, l’avenir du citoyen-soldat, l’identité, etc. Régulièrement aussi depuis peu, les militants volontaires se retrouvent le temps d’une soirée afin de restituer l’analyse d’un auteur ou d’un ouvrage qui leur a été donné de lire dans le cadre convivial des « cercles de lecture » où les plus chevronnés écoutent avec une certaine fierté s’exprimer timidement les « nouveaux ». Une section rédaction aujourd’hui bien rodée commet régulièrement des articles de fond en écho à l’actualité politique et se permet quelques bons mots sur nos adversaires ou pire, nos faux alliés. Tout ceci n’est pas là pour « faire joli ». Si l’esprit de cohésion se forme évidemment dans les actions militantes et lors des moments plus festifs, il ne pourrait pas exister sans une certaine communauté de pensée, sans le partage de principes et d’idées. Sans cela, le militantisme n’est qu’un moment passager du cursus universitaire, une « occupation » comme une autre, que l’on oubliera bien vite une fois aspiré par la « vie active ». En semant les graines du combat des idées et donc du combat politique, nous espérons donc que cet esprit combattant ne quitte pas de sitôt ceux qui ont milité à nos côtés et qu’il soit continué d’une manière ou d’une autre.

 

 

… à l’épreuve du terrain

Conférences, articles, lectures… il serait vite facile de se transformer en énième think tank et d’avoir raison entre gens de bonne compagnie. Nous n’avons jamais souhaité emprunter cette voie bien que nous ayons dernièrement intensifié le côté « métapolitique » de notre engagement. Preuve que les « idées » et le « terrain » peuvent faire bon ménage : La Cocarde a considérablement accru aussi sa présence et sa visibilité militante dans les universités. Le chemin est bien évidemment encore long, mais y compris chez ceux qui voudraient nous voir disparaître, il n’est plus possible d’affirmer que nous n’existons pas, que nous n’avons aucun poids. En Île-de-France, depuis les coups d’éclat dans l’opposition aux occupations et aux blocages, nous pouvons aujourd’hui dire que nous sommes, à droite, le groupe militant le plus actif. Depuis la rentrée 2019 en particulier, même si certains projets avaient déjà leurs racines, La Cocarde gagne peu à peu l’ensemble du territoire national. Les adhésions spontanées ont en effet fleuri, et, grâce à notre Carnot de l’implantation nationale, Florian, les noyaux durs officieux de quelques motivés deviennent ici ou là, à Lille ou à Chambéry, à Nancy ou en Vendée, à Toulouse ou au Mans, de véritables sections. Les projets sont à ce titre encore nombreux, et la rentrée prochaine le démontrera.

Action militante à l’université de Nanterre.

La croissance des effectifs permet aussi l’implantation dans des territoires perdus de l’Université. Et quel terrain plus symbolique que Nanterre, là où est partie la contestation bourgeoise étudiante en 1968 ? Ici, tout a commencé pour nous avec une poignée de rebelles au militantisme permanent et étouffant de l’UNEF et du NPA. Derrière Émilie, une petite équipe se forme dès 2018-2019, mais est bien obligée malgré elle de rester dans la clandestinité. Les échéances électorales du premier semestre 2019-2020 vont donner une toute autre dimension à cette section francilienne et la placer sous les projecteurs.

Ce jeudi 17 octobre, sur le vaste espace bétonné entre la station RER et l’entrée de la fac, c’est le calme le plus absolu qui règne. Nous sommes une vingtaine de militants de La Cocarde à distribuer nos tracts aux centaines d’étudiants qui rejoignent leurs amphithéâtres, tandis que d’autres camarades guettent les environs. C’est jour d’élection étudiante, et si elle déchaîne rarement les foules, elle envenime en revanche les passions politiques. La veille, plusieurs de nos militants ont été dérangés alors qu’ils faisaient campagne, et, bien qu’en légitime défense, le fait d’avoir repoussé les quelques provocateurs d’extrême-gauche a fait monter la tension, et des menaces ont été proférées comme quoi nous serions « attendus ». On n’est jamais trop prudent. Après une dizaine de minutes de distribution de tracts, nous entendons des chants qui proviennent du campus. Par l’allée centrale, c’est une vraie petite troupe qui se dirige sur nous, avec en tête de cortège une quinzaine d’individus masqués, encapuchonnés, équipés d’instruments divers et variés allant du parapluie (par cette belle journée ?) à la matraque télescopique en passant par la gazeuse. Derrière eux, une masse de militants gauchistes dans toute sa splendeur, vociférant leurs plus beaux slogans, suivis d’étudiants à qui l’on a demandé de venir repousser de toute urgence la Bête immonde fasciste. Sympathique comité d’accueil. Sur la défensive, en infériorité numérique, nous tiendrons cependant nos positions, ce qui portera un coup certain au moral de nos adversaires qui abandonneront l’agression physique pour retrouver leurs chants mélodieux avant qu’une compagnie de force de l’ordre n’intervienne.

Nous remporterons avec surprise 20% des suffrages lors de cette élection. Une victoire. Et malgré les images de la mêlée confuse du jour, il était clair aux yeux de tous que la responsabilité en incombait aux « antifas » et à leurs camarades militants. L’affaire fera grand bruit, à notre avantage, et bien que nous déplorios quelques blessés légers. La section de Nanterre, toujours dirigée par Émilie, épaulée par Stanislas, a su depuis profiter de ce beau succès, et est devenue l’une des principales forces de La Cocarde.

On peut évidemment regretter que l’activité militante conduise parfois à des situations où la confrontation physique est recherchée et causée par l’adversaire. Mais c’est le luxe des organisations fantômes ou des militants dits « de salon » de n’avoir jamais à composer avec les réalités du terrain militant. Il est tout bonnement impossible d’étendre son implantation, d’engranger les adhésions, de multiplier ses activités et donc son influence, sans que cela ne se traduise par une riposte de vos adversaires. Il ne s’agit ni plus ni moins que de la nature de la politique, et il faut l’accepter. Ou déserter.

La Cocarde avec le collectif des Étudiants contre la PMA.

Désormais en capacité de rassembler de nombreux militants, nous ne nous interdisons plus le recours à des méthodes plus « activistes », qui ont en outre l’avantage de répondre aux attentes de notre génération en termes de communication. Après les sorties scandaleuses de responsables de l’UNEF sur l’incendie de Notre Dame de Paris, nous déployons devant le ministère de l’Enseignement supérieur une banderole exigeant la coupure des subventions publiques de ce syndicat en voie d’indigénisation. Lors du débat parlementaire sur le projet de loi « bioéthique » et le travestissement de la PMA, nous prenons la tête du collectif Les Étudiants contre la PMA et formons un cortège lors des différentes manifestations organisées. Nous étions bien sûr présents dans les rues lors des différents « actes » des Gilets Jaunes et ce, contrairement à nos camarades de gauche, dès les premières manifestations.

 

Et après ?

Si l’on devait ramasser l’ensemble de notre propos, nous pourrions dire que, successivement, La Cocarde a su trouver le créneau porteur pour fédérer sous une même bannière cette partie de la jeunesse étudiante qui ne croit pas que le beau mot de patrie soit périmé. Qu’elle a su rassembler autour de cette ligne plusieurs sensibilités et des militants d’horizons divers, et qu’elle peut aujourd’hui opter pour une stratégie plus volontariste en matière d’influence et de présence sur le terrain. À travers nous, il est également possible, nous le croyons, de suivre le cheminement d’une partie de la droite française depuis cinq ans, de ce « grand basculement » dont Macron aura été le plus efficace artisan, pour le pire, nul besoin de le préciser, mais aussi pour le meilleur, en hâtant une clarification idéologique et en installant un nouvel ordre politique qui tardait à advenir.

Oh bien sûr ! la route est encore longue et nous en avons parfaitement conscience. Cinq années d’existence, c’est bien peu en comparaison d’autres syndicats étudiants et mouvements de jeunesse. Mais suffisamment pour que ce ne soit plus une entreprise lancée sur un coup de tête comme certains adversaires l’avaient espéré. Le mouvement se structure et se professionnalise. Mais l’esprit qui l’animait à sa fondation est plus que jamais présent : offrir un cadre d’expression, de rencontre et de formation à la jeunesse étudiante en révolte contre le traitement infligé à son pays et à son peuple mais persuadée qu’il est possible d’y remédier. C’est parce que cet esprit n’est pas près de mourir mais a au contraire toutes les chances de se renforcer que La Cocarde se doit de persévérer. Car il n’est pas concevable que, dans les universités françaises, aucune structure n’existe qui puisse servir de point de ralliement à tous ceux bien décidés à porter le combat national. Continuer et passer la vitesse supérieure est finalement un devoir.

 

 

 

 

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Notre association est le dernier rempart idéologique aux théories de l’extrême gauche dans les universités: islamisme, indigénisme, haine de la France et de l’homme blanc, etc. Nous menons ce combat seuls: La Cocarde Etudiante est une association indépendante de tout parti politique, elle ne touche, contrairement à ceux qu’elle dénonce, aucune subvention de l’Etat. En nous faisant un don vous nous permettez d’acheter le matériel nécessaire à notre militantisme: tracts, affiches, autocollants, banderoles et même ce site internet. Sans le soutien financier d’un petit nombre de donateurs nous n’existerions plus aujourd’hui. 

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