Spectacle de village ou troupe itinérante, la pantomime reste toujours la même : un jeune freluquet vit sa vie et souhaite éviter le gendarme qui n’a qu’une seule obsession, à savoir le passer à tabac. Et le public complice d’applaudir. Et de prévenir Guignol des moindres mouvements du tâcheron de service !
Assemblée nationale, samedi 1er août, au petit matin, après une soirée qui ressemblait étrangement à un de ces films peuplés de morts-vivants et autres créatures terrifiantes –que nous appellerions la nuit des longues aiguilles à tricoter. Un amendement dans la loi bioéthique a été voté dans lequel il est mentionné qu’une IMG pourra être pratiquée sur une femme souffrant de « détresse psychosociale », jusqu’à « neuf mois ». L’amendement en question, antépénultième coup de Jarnac du camp du bien a été défendu par Olivier Faure, chef de file du mouvement Post Scriptum (ou PS pour les intimes). On aurait aimé qu’il soit noyé en pleine histoire, ultime pesanteur perdue par Bon Sens von Hammeln, mais il se trouve que le moribond a des soubresauts et, dans un ultime geste désespéré, nous proposa une autre de ses immondices.
Détresse psychosociale, détresse psychosociale, est-ce que j’ai l’air d’une détresse psychosociale ?!
Le mot a de quoi interroger. Jusqu’à quel point tout être humain peut être, justement, atteint de ce mal ? Un docteur autrichien, coqueluche de nos amis les Matons de Panurge, n’avait-il pas déjà averti au début du XXème siècle que nous étions tous névrosés par nature ? Jusqu’à quel point peut-on aller dans le déni de la vie humaine au simple prétexte de liberté de corps (le fameux droit qui cache l’eugénisme) ?
Et les féministes de réagir ! Toujours, évidemment, avec le panthéon habituel des arguties aux pleurnicheuses : « Tu n’as pas de vagin alors tais-toi ! », « C’est la liberté de la femme de disposer de son corps ! », etc, etc, sortes de mantras lancés comme des scuds. « Et liberté de l’homme de disposer de son RIB », serait-on tentés d’ajouter, comme le notait déjà finement Gaspard Proust. On pourrait répliquer par le fait, certes, que nous ne sommes pas tous femmes (« Mais qui vous dit que je suis un homme ? »), cependant que nous avons tous été fœtus, ainsi que l’on ne peut disposer de quelque chose qui est soi-même, mais le psychodrame progressiste perdurerait tout de même. Il ne leur suffisait plus de dire avec une morgue certaine que l’embryon n’était pas un humain, non, désormais l’être le plus faible de la création, à savoir le petit d’homme, tout prêt à se jeter dans l’inconnu n’est qu’une masse inerte que l’on peut aisément ajouter à la longue liste des choses délestables à envie. Le monde et son utilitarisme effréné admirent cette lâcheté suprême dans une dernière extase hédoniste.
Notre époque ne manque pas de commerce. Elle se targue d’être à la pointe du combat contre la maltraitance animale et la sauvegarde des glaciers (pauvres ours blancs ! ), tout en oubliant de sauver ses enfants. Aussi, s’ingénie-t-elle dans une course à l’échalote : qui sera le plus progressiste ? Sire Faure assis sur un monceau de cadavres ou roitelet Véran oubliant d’être éloquent ? Dans cette vaste blague, il faut que les deux tombent à l’eau afin que la France soit sauvée. Et pas qu’eux !
Les médias s’en donnent à cœur joie, dénonçant la désormais bête immonde dès lors que les associations réagissent. La bête a bon dos ! Elle n’en finit plus de vibrer, à supporter sur ses épaules les errements postmodernes. Les chiens de garde du système s’attaquent toujours à la proie ensanglantée quand leurs maîtres sonnent l’hallali. C’est ainsi que jouant le rôle de Guignol, ils comptent appeler à témoin le peuple, toujours bon public. Seulement, on n’en finit plus de vouloir tabasser Guignol.
Bons chiens quand même !
La liberté pour quoi faire ?
Un auteur païen du nom de Quintus Aurelius Symmaque observait déjà au Vème siècle –moment clé dans l’édification du paradigme chrétien- à propos des croyants de la nouvelle religion monothéiste sur le point de supplanter l’ancienne qu’ils se refusaient à tuer les enfants, qu’ils refusaient l’infanticide. Il notait cela avec un étonnement qui, aujourd’hui, nous paraît encore d’une naïveté et d’une bêtise confondantes ; c’est pourtant oublier un peu vite toute la postmodernité aux relents de renfermé qui est passée par là. « Rien de nouveau sous le soleil », observait l’Ecclésiaste. Nous nous croyons fort d’une éthique à toute épreuve, respectueuse des droits humains les plus élémentaires, moquant notre héritage chrétien tout en oubliant que nous ne faisons rien d’original.
Chantal Delsol me confiait que plus on va mal, plus on a tendance à copier ses adversaires. La société toute entière décide en effet de faire des alumni et des enfants exposés ; elle ne trouve généralement rien à redire à cela, s’abritant derrière un hédonisme, un droit-de-l’hommisme et un utilitarisme suaves, qui ne sont que les noms contemporains du paganisme, qui fut l’ennemi à vaincre. A vrai dire, je rechigne à parler de paganisme tant les païens avaient plus de valeurs que cela. Peut-être faudra-t-il parler de nihilisme, apanage de la postmodernité. Entendons-nous bien : la postmodernité comme idéologie qui promeut l’émancipation totale pour tous, rejetant loin de nous tous types de contrainte. Il est alors évident que la postmodernité dans laquelle nous commençons à entrer rime avec individualisme et égoïsme.
Si nous ne voulons pas tomber définitivement dans ce piège mortel, alors il nous faudra réagir dès la rentrée en délaissant la bourgeoisie confortable, repue du même repas que la postmodernité. Il faudra être vindicatif. On ne peut plus se contenter de manifestations doigt-sur-la-couture et attendre sagement de retrouver son rond de serviette quand l’édifice France risque de s’écrouler pour de bon. France, qu’as-tu fait des promesses de ton Baptême ?
Mais au fait, comment peut-on encore se dire postmoderne ? Question clinique.
Par Vincent Régnier, pour La Cocarde Étudiante