Pro Veritas / De Imperatoribus Francorum
«Ai-je donc régné sur des pygmées en intelligence, qu’ils m’aient si peu compris ? »
250 ans après la naissance de celui en qui Léon Bloy croyait discerner « la Face de Dieu dans les Ténèbres », on peut légitimement se poser la question. La lecture du billet « cocardier » flétrissant l’Empereur occasionne à tout nationaliste et féru d’Histoire sursauts rageurs et froide colère. C’est un festival de mauvaise foi, de faits déformés, de haine recuite, enfin de revanchisme pleurnichard, marque habituelle des vaincus de l’Histoire. Excessif ? Attendez voir. On y apprend pêle-mêle que Napoléon Ier était un despote, un mégalomane, un quasi-métèque, un parvenu. Ne manquerait plus qu’il soit grossophobe, transphobe et antisémite ! Nous y reviendrons.
Concédons d’emblée à notre sous-Chateaubriand la seule qualité de cette charge mesquine ; il a indéniablement une belle plume. Il est d’autant plus triste de prostituer ainsi ses talents à la rancune la plus crasse. Notons que ce glaviot à la face de l’Empereur n’est pas signé ; supposant que notre fantomatique adversaire tient « Buonaparte » (sic) pour un Usurpateur, nous l’appellerons par commodité l’Anonyme. Que nous apprend donc ce dernier ?
De Louis Capet à Barras, le poisson pourrit toujours par la tête
Déplorant (comme de juste) les dérives totalitaires de la République jacobine, la division fratricide dans la cité que fut la guerre civile au-dedans (la « stasis », hantise des philosophes et des magistrats hellènes), doublée de la guerre au-dehors, l’ Anonyme omet cependant de nommer les véritables causes et responsables de ce chaos de feu et de sang. La nullité couronnée qu’était Louis XVI, pieux et brave homme au demeurant, Agnus Dei dérisoire assis (avachi ?) sur le plus haut trône du monde, ce « coglione » fustigé par le jeune Bonaparte assistant avec effroi au bain de sang du 10-Aout, ce gentil serrurier donc, n’a-t-il pas une responsabilité écrasante dans les désastres de cette fin de siècle (certains remontent à ses deux prédécesseurs mais c’est un autre débat) ? Quant à la ploutocratie « républicaine », veule, avide et dégénérée, qui ne dut qu’à l’épée de nos soldats et à l’élan vital (qui a dit furia francese ?) des Français boulimiques de gloire son maintien précaire aux affaires, elle eut un mérite ; se suicider par la main du plus brillant et ambitieux de ses bras armés.
Saga Corsica
Dans le passage le plus virulent de ce défouloir, on apprend avec stupéfaction que la famille Bonaparte est « demi africaine » (sic) ! Napoléon, ce mulâtre méconnu, ce symbole de la « diversité », totem vermoulu de notre époque ! On préfère en rire pour ne pas en pleurer. Les Corses, Génois et autres fils de la Botte seront ravis d’apprendre qu’ils descendent en droite ligne des Berbères et des Peuls (peuples respectables naturellement mais on est loin de l’Hyperborée). On se demande d’où l’ Anonyme tire cette généalogie pour le moins capillotractée. Ni l’haplogroupe européen de Napoléon, ni l’histoire familiale, ne tendent un tant soit peu vers cette origine fantasmée. Notre Céline national se félicitait que le nouvel Empereur d’Occident ait « fait tout son possible, des prodiges, pour que les blancs ne cèdent pas l’Europe » à la Russie, jugée à l’époque terre barbare, peuplée d’innombrables « hybrides finno-mongols ». Il s’agirait de trouver un juste milieu entre le présumé « bouclier de l’Europe blanche » et le parvenu aux « origines douteuses ».
Le Gotha des fins de race, entre impolitisme et martyrologe de pacotille
De même, la médiocrité ou les lacunes (dur de vivre à l’ombre d’un astre aussi éclatant) d’une partie de l’auguste fratrie et de son entourage ne doivent pas faire oublier la dégénérescence des « bien-nés » qu’idolâtre l’Anonyme. Quid du pusillanime et lâche d’Artois, optant pour l’émigration dès juillet 89 ? Du cauteleux Provence, calculateur et intrigant risible ? Que dire de George III le fou, de FrédéricGuillaume III le timoré cyclothymique soumis à son épouse, maitresse femme amourachée du tsar Alexandre, parricide, mystique illuminé et à l’hypocrisie devenue légendaire ? Belle brochette « civilisée » à la vérité ! Les larmes de crocodile versées sur les sorts (certes tragiques) de Frotté et d’Enghien ne sont rien face aux nécessités de la froide « ragione di Stato ».
Quant à la captivité du pape qui broie tant le cœur de l’Anonyme, elle fut une sinécure, dans l’écrin de Savone puis la cage dorée de Fontainebleau, dont il finit par être libéré en janvier 1814, sur ordre du soidisant Antéchrist des Tuileries. Le Saint-Père ne lui en tint pas rigueur (et pour cause) puisqu’il défendit après 1815 les intérêts de la famille déchue (qu’il accueillit) et se démena pour qu’on adoucisse le régime odieux infligé à l’Aigle enchainé sur son rocher de Ste-Hélène. D’aucuns considéreront que c’était le « minimum syndical » à l’endroit du restaurateur des autels, pacificateur des consciences, à la fois Cyrus et bon roi Henri.
Napoleo, nos Cesar et Rex
Passons sur les poncifs de la « boucherie » (l’historiographie contemporaine a fait un sort au mythe de la « saignée » démographique), du joug impérial pesant et autres procès en « despotisme » (que dire alors du pourtant très « libéral » anglophile Alexandre et ses 20 millions de serfs). Succédant au Roi-Benêt et à une oligarchie guillotineuse, plus glorieux rejeton de l’Europe depuis César, Napoléon fut bien plus digne de la couronne de St-Louis et Louis XIII, de Charles V et Henri IV, que le podagre Louis XVIII, cynique gras-double, ou les pusillanimes Charles X et Louis-Philippe. Double Restauration calamiteuse (qui traita odieusement les vétérans et abandonna à leur sort veuves et orphelins de nos braves), Monarchie de Juillet insipide et indigne (la faute à une anglomanie pathologique), tel est le beau bilan de la « noble race de Condé » !
N’en déplaise à l’Anonyme vipérin et sa plume trempée dans la bile, Napoléon le Grand incarnera toujours, par le souvenir exaltant de sa fabuleuse geste européenne et l’héritage omniprésent de sa grandeur, un idéal indépassable, prométhéen et héroïque. Modèle pour toute la jeunesse comme il le fut autrefois pour les peuples du continent et du monde, il remuera encore pour longtemps les cœurs et les esprits de tout Français et Européen dignes de ce nom.
Sus aux jean-foutre !
Vive la France ! Vive la Grande Nation ! Vive l’Empereur !
Réponse d’Aquila à la tribune précédente