“La nature comme socle”
La nature, c’est-à-dire l’environnement terrestre et aquatique antérieur à tout aménagement humain, est le cadre de vie originel et ancestral de l’homme, et celui dans lequel il s’épanouit. Or les métropoles actuelles s’étendant sur des kilomètres n’ont plus rien gardé d’éléments végétaux et minéraux naturels : à la place des forêts et des falaises se dressent des cités polluées de tours et de bâtiments à l’architecture anguleuse et chaotique, loin de la douce harmonie des villages se fondant dans les paysages. L’homme contemporain est ainsi très éloigné de ses ancêtres qui avaient pour la plupart grandi au milieu des prairies et des bêtes. Mais comme avait prévenu Pompidou : « La vie moderne dans son cadre de béton, de bitume et de néon, créera de plus en plus chez tous un besoin d’évasion, de nature et de beauté.” Le malaise qui transparaît dans notre génération révèle que nos modes de vie ultra urbanisés ne sont pas adaptés à notre condition d’être humain, d’où ce désir de retour à la nature.
Le mariage de l’homme avec la nature
Tandis que le capitalisme industriel a provoqué le divorce de l’homme avec la Nature, les néo-écolos sont prêts à en devenir les esclaves. Or l’être humain et la nature ne s’opposent pas. Tout au contraire, si l’homme doit la respecter, celle-ci est en retour faite pour l’homme, qui doit travailler à l’embellir et en tirer les fruits nécessaires à ses besoins vitaux. L’homme vit ainsi en harmonie avec la nature qui l’entoure, dans une sorte de symbiose, sans qu’un angélisme hors-sol lui fasse oublier que la nature peut lui être hostile, l’homme étant un prédateur et une proie comme les autres. La paysannerie a ainsi dompté la nature et dessiné les paysages, tout en la contemplant et en la soignant. Loin des descriptions injurieuses des bobos-écolos, les agriculteurs, les éleveurs et les chasseurs sont de véritables gardiens de la nature, assurant l’équilibre de la chaîne alimentaire et l’entretien des prairies et des forêts. Par ailleurs, l’homme est aussi fait pour vivre en société : la ville, foyers de culture et de civilisation, ne s’oppose donc pas non plus à cet attachement à la nature, pour peu qu’elle n’oublie pas qu’elle dépend de l’agriculture. Comme exemple, cités-États grecques, où l’enceinte urbaine vivait de la campagne environnante. Nous sommes dépendants à la fois du cosmos et de la cité, et donc redevables pour tout ce qui nous permet d’exister.
Le mythe moderne du Progrès
La rupture à l’origine de la dévastation de la nature trouve son fondement aux XVIIIe et XIXe siècles qui ont vu naître et se déployer le mythe du Progrès, dont on observe l’aboutissement aujourd’hui. Deux éléments principaux sont à retenir. Cette idéologie est tout d’abord une « métaphysique de l’illimité », selon laquelle le monde marche dans le sens d’une amélioration matérielle et morale perpétuelle, que rien ne pourra freiner. L’orgueil de l’homme encouragé par cette doctrine lui a fait franchir l’infranchissable, notamment lors des deux secondes guerres mondiales, archétypes des guerres mécaniques, où la machine remplace l’homme. Aujourd’hui ce progressisme s’oriente vers un transhumanisme où les clones et les chimères seront possibles. Le deuxième élément crucial est le refus du réel : prenant pour point de départ une nature humaine soi-disant neutre, uniforme et modelable à souhait, la modernité a voulu s’affranchir du réel. Or l’abstrait et l’artificiel ont imprégné tous les aspects de notre quotidien, à l’origine du citadin névrosé et hors-sol, qui a désormais accès à la “réalité augmentée” sans avoir jamais tâté de cette “réalité réelle”.
Face à l’hubris, retrouver le sens de la mesure
La Nature “avec un grand N” est une donnée reçue dont il serait vain de s’abstraire, ce qu’a pourtant tenté de faire l’homme contemporain. Certaines caractéristiques biologiques de notre nature nous sont imposées, de même que les catastrophes climatiques ou géologiques et les aspérités géographiques nous rappellent que nous ne sommes rien par rapport aux forces naturelles. Face à la démesure et la folie de l’homme imbu de lui-même, il est vital de retrouver le sens de la limite, tant vanté par les Grecs. Chaque chose possède une place qui lui est attribuée, d’où elle peut participer à l’harmonie et l’ordre du monde. Toutefois, ce sens de la limite n’est pas synonyme de récession, comme voudraient nous l’imposer les écologistes 2.0. Au contraire, la juste mesure se trouve entre sujétion et renoncement à la technique. Si la science ne doit pas être un but en soi, et rester subordonnée au bien de l’Homme et au respect de la nature, il nous appartient de ne pas renoncer à une certaine ambition scientifique et technologique, corollaire de la puissance et d’une civilisation en bonne santé.
L’Homme et l’identité
Étymologiquement « science du foyer», l’écologie ne concerne pas seulement la sauvegarde de la nature, mais aussi notre place dans le monde et donc l’homme. Or les tendances constructivistes et transhumanistes nient totalement l’essence humaine, mais aussi les particularités de chaque être : l’identité de genre veut s’affranchir du sexe biologique, la diversité des peuples et des ethnies est niée ou tend à disparaître, l’homme s’imagine augmenté par la science voire immortel… Il faut, à l’appel d’Henri Levavasseur, retourner à une anthropologie réaliste : « À rebours du fantasme de l’individu capable de “s’auto-construire”, disposant d’un droit absolu à s’affranchir des conditionnements biologiques, héréditaires et communautaires, il convient de rappeler que l’homme est d’abord un “animal social et politique”, dont la nature profonde est déterminée par le double héritage transmis par ceux qui l’ont précédé : d’une part le legs d’une langue et d’une culture, d’autre part celui d’un patrimoine génétique. »
Le réenchantement du monde
Le règne de l’utilitarisme apporté par la « modernité » a modifié la vision du monde qui irriguait initialement le quotidien des gens. La nature est ainsi passée de cadre de vie harmonieux, propice à la contemplation, à un pur matériau dont il faut tirer un maximum de profit. Le lien sacré de l’Homme avec la Nature a été brisé et toutes les traditions liées aux cycles naturels (solstices, bénédictions des moissons,…) ont disparu. Face à cela il nous appartient de réenchanter le monde, comme l’avait souhaité le romantisme allemand face à un rationalisme desséché, et de renouer avec cette communion originelle.