L’affaire Augustin, ce jeune lyonnais lourdement frappé alors qu’il prenait la défense d’un groupe de filles en proie au harcèlement de plusieurs « jeunes », est un condensé remarquable de toute l’hypocrisie et de l’incohérence du système médiatique, intellectuel et politique de la gauche.
Être un salaud ou être victime, il faut choisir !
Très rapidement, s’emparant de l’information selon laquelle la victime partagerait la cause royaliste, comptes Twitter « antifascistes » et journalistes militants se sont empressés de remettre en question le témoignage du frère d’Augustin et le déroulement des faits. La chose est entendue : il ne saurait être possible d’être en même temps du côté du Mal (nationaliste), héros (porter secours au sexe féminin) et victime, qui plus est lorsque lesdits agresseurs ne seraient pas de type européen ! Ce réel étant inacceptable pour le logiciel idéologique de la gauche, il convient en toute logique de le nier, de le défigurer, ou plus habilement encore de détourner l’attention sur une information secondaire, en l’occurrence l’appartenance politique.
En 2020, témoigner n’est pas donné à tout le monde. Ou plutôt, selon ce que vous dénoncez et d’ « où » vous parlez, le système médiatique et les faiseurs d’opinion ne vous réserverons pas le même sort. De ce point de vue, la comparaison entre le traitement du phénomène #MeToo et celui de la dénonciation des « incivilités » est éclairant.
L’impossible #MeToo des « incivilités »
Au-delà de ses excès et de ses dérives, le mouvement #MeToo et sa branche française #BalanceTonPorc visaient essentiellement à encourager et libérer la prise de parole des femmes pour que chaque viol et chaque agression sexuelle fasse l’objet d’une réaction de la société. Autrement dit, rendre « insupportable » par la Cité ce qui depuis trop longtemps avait tendance à être banalisé, normalisé ou passé sous silence.
À cet égard, nous assistons depuis plusieurs mois maintenant à un #MeToo de l’insécurité. Ce qui autrefois n’aurait fait l’objet que de quelques lignes des pages « faits divers » de la presse régionale peut se retrouver en quelques heures à peine dans les « tendances » de Twitter, relayé par de nombreuses personnalités politiques (rarement de gauche…), et obliger le gouvernement voire le président de la République à réagir. Et de même que #MeToo avait encouragé à dévoiler publiquement les noms des agresseurs et des « porcs » présumés, nombreux sont ceux qui, avec le #OnVeutLesNoms, ont souhaité crever le tabou du profil récurrent des acteurs de l’insécurité quotidienne.
Loin d’y voir une « libération de la parole », un exutoire salutaire ou une montée à la surface d’une exaspération trop longtemps contenue, la presse progressiste et son cortège de sociologues officiels (emmené magistralement par Laurent Mucchielli) s’empressent d’y voir le fruit des basses manœuvres de l’extrême-droite. La parade est vite trouvée : il n’y aurait pas plus d’insécurité qu’auparavant, et de toute manière les données sont difficilement comparables avec les décennies précédentes. Tout s’explique par une hypersensibilité et une sur-réaction à l’actualité provoquées par la « fachosphère », experte de la manipulation des foules numériques.
Il revient au seul pouvoir médiatique et universitaire d’apposer le tampon de « cause légitime et acceptable ». Et ce précieux sésame ne s’obtient qu’après un contrôle au faciès minutieux : évitez d’être de sexe masculin ; ou si vous l’êtes prière de ne pas être trop pâle de peau ou d’être attiré par le sexe opposé ; tachez d’exercer une profession en lien avec le monde associatif, universitaire ou l’univers du Spectacle : enfin veuillez traiter l’une des thématiques suivantes : vos pratiques intimes, vos micro-agressions, vos leçons d’éco-citoyenneté.
Pourtant, rester de marbre face, et pire, relativiser et mépriser cette exaspération aussi bien réelle que virtuelle est éminemment dangereux. Ce que les journalistes pointant du doigt les manœuvres de l’extrême-droite ne comprennent pas, c’est que ce phénomène social constitue une soupape. Sans lui, devant l’inaction qui règne au sommet de l’État et devant l’omerta médiatique qui prévaut, des initiatives plus ou moins malheureuses de citoyens se généraliseraient pour qu’autojustice se fasse. La « résilience » à l’insécurité a vécu, et si l’État n’accorde pas toute son attention à cette exaspération populaire et identitaire, il sera définitivement considéré comme incapable de mener à bien sa mission de protection de ses citoyens. Lorsque d’autres acteurs prendront sa place, tout ceci portera un nom : la guerre civile.