1358-2018 : de la Jacquerie aux « gilets jaunes », 660 ans de ras-le-bol

En mai et juin 1358, les « sans-dents » franciliens de l’époque sont à l’origine d’un phénomène sociétal. Simultanément, des bandes de gueux, les Jacques-Bonhomme, se soulèvent contre la caste nobiliaire. Entre blocus incessants, lynchages et assassinats de masse, la Jacquerie est une révolte importante qui s’inscrit dans un contexte intéressant. Les chroniques du XIVe siècle font toutes références à cet événement traumatisant[1]. Il est cependant compliqué de déceler le vrai du faux. En effet, ces chroniques peuvent s’apparenter aux médias mainstream actuels – le fond intellectuel en plus. Si les médias usent de la propagande pour décrédibiliser les mouvements contestataires, les chroniques du XIVe siècle s’y employaient déjà, mais d’une manière plus réfléchie il est vrai. Aussi, les historiens du XIXe siècle ne sont pas d’une grande utilité dans l’étude : ils voient la Jacquerie comme une révolution du peuple contre le roi, et Etienne Marcel comme un homme raisonné défenseur de la démocratie. Alors, qu’est-ce que la Jacquerie et en quoi cette révolte paysanne peut avoir un rapport avec les événements actuels ? 

La Jacquerie : un ras-le-bol généralisé Le 19 septembre 1356, le roi de France Jean II dit à tort « le Bon » se fait capturer par les Anglais lors de la bataille de Poitiers. C’est la première fois que le pouvoir royal se retrouve privé de sa tête de la sorte. Il laisse alors derrière lui un royaume assez fragilisé. D’une part, il s’est mis à dos une partie de la noblesse – surtout normande – en capturant Charles II de Navarre, dit « le Mauvais » à Rouen en avril 1356. Puis, le royaume doit faire face depuis plusieurs dizaines d’années à des troubles financiers chroniques. Enfin, le royaume est sujet à des invasions récurrentes d’ennemis extérieurs : l’insécurité règne. Dans ce contexte troublé, la capture du roi fragilise encore plus le royaume. Alors, entre 1356 et 1358 les trois états se réunissent plusieurs fois en états généraux. Le duc de Normandie, Charles – futur Charles V – prend alors le titre de régent du royaume de France. Mais il se confronte à un nouvel ennemi : le prévôt des marchands de Paris, Etienne Marcel. Ce dernier profite de la fragilisation du pouvoir pour faire valoir ses droits de bourgeois. Il cherche alors à réformer l’Etat en limitant le pouvoir royal. Pour ce faire, il use de la violence et du peuple de Paris. Mais surtout, il se base sur les bourgeois parisiens afin de contrecarrer le jeune régent. Au cours du premier semestre 1358, il occupe une place de plus en plus importante dans Paris mais il est finalement tué le 31 juillet 1358 suite au ras-le-bol général qu’il a soulevé contre ses idées réformatrices (mais aussi contre ses relations avec les Anglais). Quelques semaines avant sa disparition, les bassins parisien, normand, champenois et picard sont sujets à une autre menace : les Jacques. Alors qu’en 1357 et en 1358 l’on envisage des impôts pour payer la rançon du roi retenu à Londres et pour financer une armée affaiblie, les paysans se révoltent.

Il y a trois raisons apparentes à ce soulèvement. Tout d’abord, le refus de payer. Le consentement à l’impôt n’avait rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd’hui[2]. Deuxièmement, une décrédibilisation de la noblesse : à la suite de nombreux échecs, elle ne parvient plus à accomplir son devoir. Enfin, en continuité avec la seconde raison, l’installation d’une insécurité grandissante dans ces régions. La grande ordonnance de 1357 autorise alors le port d’arme pour les paysans. La rébellion va alors faire rage. Des familles nobiliaires sont tuées et des bourgeois sont pris à parti. Dans ces actes de révoltes, la violence est sans limite : viols, meurtres, et même cannibalisme d’après les Chroniques. Cette rébellion prend fin avec une répression rapide et efficace. Gaston Fébus, comte de Foix, et Charles de Navarre anéantissent les troupes des Jacques à la bataille du marché de Meaux. Les têtes de la révolte sont ensuite exécutées. En somme, la Jacquerie fut une révolte généralisée en réaction à l’insécurité, à la classe dirigeante et à l’impôt. Qui sont les Jacques ? Pour l’historienne Claude Gauvard, « Les historiens sont de moins en moins convaincus du lien qui existerait entre misère et révolte, l’exemple le plus net est celui de la Jacquerie de 1358, où les acteurs sont des paysans cossus, ou des gens de métiers recrutés dans les villes ». Il ne faut pas voir ces Jacques uniquement comme des gueux et des paysans. En effet, la petite noblesse, les artisans, et les autres classes se confondent dans cette révolte. Il n’y a pas que des paysans car certaines révoltes proviennent de la ville. Le Jacques est donc « monsieur-tout-le-monde ». Il prend son destin en main afin de recouvrer sa liberté aliénée par le pouvoir central. Les « gilets jaunes » : retrouver une dignité de Français Quel rapport alors entre la Jacquerie de 1358 et les Françaises et les Français qui se parent d’un gilet jaune et luttent dans le froid ? Il est intéressant de noter que le fondement demeure le même. Un ras-le-bol général qui éclate au nez du pouvoir central.

Les réactions sont donc nombreuses, mais, comme les Jacques, les « gilets jaunes » utilisent les faibles outils à leur disposition : manifestation, blocage, etc. Or le gouvernement a muselé toute possibilité de rébellion généralisée, contrairement à l’époque médiévale ou moderne – voire contemporaine. Ces femmes et ces hommes en ont assez d’être considérés comme des moins que rien, des vaches à lait d’une caste dirigeante corrompue et qui n’hésite pas à vendre le pays à des puissances étrangères. Le ras-le-bol est né de la question des taxes pour l’essence, mais en réalité les indignations sont beaucoup plus larges : les taxes en tout genre, la sécurité, l’immigration, la pauvreté, la précarité, le manque d’estime accordée aux Français, l’opposition à la bourgeoisie parisienne, etc. Beaucoup de sujets de rébellions, souvent laissés à l’état de gestation, sont nés dans ce fracas, et nous montrent que l’opposition n’est pas cantonnée aux bancs de l’Assemblée, elle est aussi voire surtout dans la rue. Les similitudes entre les Jacques et les « gilets jaunes » s’observent donc au niveau des questions de la sécurité, de l’impôt et de la perte de confiance envers les classes dirigeantes. Dans la manière dont procède l’embrasement, nous retrouvons des Jacques, des citoyens ordinaires qui se battent tous les jours pour faire vivre une famille, qui se lèvent en acceptant une condition humaine parfois rude. Face à eux, ou ne les comprenant pas, des bourgeois qui ne connaissant d’autre environnement que leurs bureaux et leurs appartements bien chauffés. Au final, la Jacquerie est un épisode parmi tant d’autres dans la longue histoire du ras-le-bol des Français. En 1380, d’autres rébellions eurent lieu uniquement au sujet de l’impôt. Au XVe siècle à nouveau des oppositions à l’impôt. Puis à l’époque moderne, les révoltes contre la gabelle (impôt sur le sel) sont monnaies courantes. Taxer le sel revenait à taxer l’essence aujourd’hui : c’est s’en prendre aux Français en taxant un objet de consommation dont ils ne peuvent se passer. Le gouvernement sait donc qu’il va aisément se remplir les poches en volant le Français pour de fausses raisons. Or, un obstacle se dresse sur sa route : le Français a encore de l’honneur. Soutien aux « gilets jaunes » !

[1] Les Grandes Chroniques de France, Chronique des règnes de Jean II et de Charles V, publiée par la Société de l’Histoire de France par Roland DELACHENAL, Tome I pour le règne de Jean II (1350-1364), Paris, Librairie Renouard, 1910 Chronique de Jean le Bel, publiée pour la Société de l’Histoire de France, par Jules VIARD et Eugène DEPREZ, Tome second, Paris, librairie Renouard, 1905 Jean Froissart, Chroniques, Tome quatrième, 1346-1356, publiées pour la société de l’histoire de France par Siméon LUCE, Paris, J. Renouard, 1873 Chronique des quatre premiers Valois, publiée pour la Société de l’Histoire de France par Siméon LUCE, Paris, Jules Renouard, 1862 [2] L’on pensait alors que « le roi doit vivre du sien » : il doit vivre de son domaine. Pour découvrir plus en détail La Cocarde Étudiante, cliquez ici, pour découvrir tous nos articles c’est par ici!

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