Le libéralisme économique à l’origine de la crise écologique
Le libéralisme est la cause profonde du bouleversement industriel et écologique auquel nous assistons. Si le libéralisme philosophique et le mythe du Progrès ont permis de travailler les esprits afin de rendre concevables ces changements structurels, c’est le libéralisme économique qui a engagé le processus matériel, entraînant la transformation des modes de production et des habitudes de vie. Les théories d’Adam Smith et de Ricardo de la libre-concurrence et du libre-échange ont été directement appliquées par la France de la fin du XVIIIe siècle qui a aboli les regroupements de métiers et la fixation des prix. Les traités de libre-échange se sont multipliés durant les siècles suivants jusqu’à voir leur aboutissement dans une Union européenne ayant supprimé toutes les taxes aux frontières. Pour améliorer la rentabilité de la production, les entreprises ont délocalisé en masse leurs usines dans des pays où la main-d’œuvre est sous-payée. Deux bouleversements sociétaux ont eu lieu à cette période : un premier au XIXe siècle qui a vu l’exode rural, les nouveaux transports ainsi que la mécanisation de la production ; un second dans les années 60, où le modèle prédominant qu’était le paysan français est devenu minoritaire au profit du citadin salarié. Ces différentes étapes ont forgé notre modèle de société, qui a délaissé toute considération pour la nature pour des préoccupations uniquement industrielles et économiques. Adieu champs et bêtes sauvages : place à la bétonisation et la pollution. Si la nature est un obstacle au développement économique, alors on peut la sacrifier.
La mondialisation destructrice face au localisme respectueux
Une des grandes causes de la destruction de la nature est la mondialisation : celle-ci est foncièrement anti écologique en ce qu’elle outrepasse toutes les mesures et frontières naturellement imposées à l’homme. Arme de guerre du commerce et de la marchandisation, elle entraîne pollution (puisque de plus grandes distances sont parcourues pour acheminer les produits), uniformisation, baisse de la qualité des objets (comme ceux qui viennent de Chine, d’Inde ou du Bengladesh) et donc de la vie. Face à cela, des tentatives de retour auprès des entreprises locales et de favorisation des circuits-courts ont vu le jour. En effet, le localisme est respectueux des cycles naturels et des distances de transport des produits : acheter près de chez soi permet de dépenser moins, de mieux rémunérer les producteurs locaux et de ne pas affréter des portes-conteneurs ou avions pour faire traverser des fruits et légumes, cueillis à prématurité à l’autre bout du monde, alors même que des petits producteurs de proximité vendent ces mêmes fruits et légumes. Les autorités publiques elles-mêmes peuvent participer à la valorisation du localisme en privilégiant l’approvisionnement des hôpitaux, cantines publiques et maisons de retraite auprès des producteurs, agriculteurs et éleveurs locaux. Mais la grande mesure reste de mettre fin aux traités de libre-échange pour mettre en place un “juste-échange”.
Dictature de la croissance et question de la décroissance
L’obsession pour la croissance économique est une conséquence de l’idéologie du Progrès. Nos gouvernants assument alors un paradoxe qui est la preuve de leur hypocrisie : ne jurant que par la croissance et le développement économique, ils font de l’écologie un des objectifs de leur action politique. Or, la terre n’est pas infinie, et ses ressources sont limitées : donc vouloir croître indéfiniment est soit une illusion, soit du suicide. De même les économistes font dépendre la bonne santé d’un pays du chiffre du PIB. Or, ce dernier ne représente pas la totalité de l’activité économique d’un pays : le travail et le commerce non-déclarés ne comptent en effet pas. Un exemple flagrant : une mère au foyer ne sert à rien pour la croissance, tandis qu’employer des nounous augmente la production générale. On voit ici que cette religion de la croissance amène à vouloir transformer toute la vie en une valeur quantitative, et faire ainsi des personnes, d’égoïstes calculateurs et de froids carriéristes.
Les théories de la décroissance ont commencé à voir le jour dans les années 70. Si la préservation de la nature ne doit pas être une fin en soi qui justifierait la récession économique et les pires exactions, comme la stérilisation des populations (pour moins consommer !), ces théories ne doivent pas être balayées d’un coup de main. La décroissance consiste en la baisse de la production industrielle et de la consommation personnelle, sans forcément baisser de niveau de vie, en revenant à des schémas économiques plus modestes. Elles conseillent ainsi aux politiques de délaisser les impératifs de croissance financière, qui s’appuient sur de la pure spéculation boursière, pour se tourner vers des politiques économiques qui recherchent en premier lieu la justice sociale. Les gouvernements occidentaux devraient plutôt assurer les conditions nécessaires à une vie saine et sereine, du pain et de l’eau pour tous, ainsi que la juste rémunération du travail de chacun, et en priorité celle de ceux qui nous nourrissent.
Consumérisme et matérialisme
La religion de la croissance a comme rituel la consommation à outrance : tous les biens produits demandent à être achetés. Il a fallu construire un homme nouveau, indifférent aux ringardes traditions qui guidaient jadis l’homme, et dont le bonheur repose désormais sur les possessions matérielles. L’homme du XXIe siècle ne grandit pas avec le rêve de fonder une famille, d’aider sa patrie et de se dévouer pour son prochain : la quête du bien a été remplacée par le désir des biens. Et la transformation collective qui en découle est la marchandisation du monde. Pour consommer, il faut vendre, tout doit donc s’intégrer au marché : les organes, les bébés, et même « l’amour ». Les Etats-Unis, à la pointe de ce modèle sociétal, ont d’ailleurs imposé leurs marques de fabrique en Europe : fast-food où tous les couverts sont jetables, taylorisme et fordisme où l’homme n’est plus qu’un élément interchangeable dans le travail à la chaîne, obésité conséquence de la surnutrition, vie ultra-sédentaire où tout est livré à domicile conjugué au tourisme de masse, …
Si nous pouvons chacun à notre manière lutter contre la destruction de la nature en refusant de se laisser transmuter en consommateur abruti par les injonctions de la publicité, seule une politique localiste et sociale de grande échelle et une prise de conscience idéologique pourra enrayer la mise à mort de notre modèle paysan et la dévastation de nos paysages.