Nul ne sera surpris d’apprendre que La Cocarde Étudiante est résolument et activement opposée aux méthodes de blocage et d’occupation des sites universitaires, et les choses ne risquent pas de changer sur ce point. Cela suffit-il à faire de nous des supplétifs de la Macronie, des « casseurs de grève » qui font le jeu du pouvoir en place comme ne manquent pas de nous calomnier nos adversaires politiques ?
Les impensés d’une « réforme des retraites » à combattre
Commençons par dire que nous n’avons de toute manière aucune, absolument aucune leçon à recevoir de la part de ceux qui, contrairement à nous, n’ont pas tout fait pour que le candidat Macron soit battu lors de l’élection présidentielle. En adoptant une posture « antifasciste » ridicule ou en jouant le « ni-ni », ils ont permis l’élection du garant des intérêts économiques contre lesquels ils feignent aujourd’hui de lutter !
Quant au fond, nous n’avons ici non plus aucune ambiguïté dans notre opposition au projet de « réforme des retraites » que mijote le gouvernement et qui est l’enfant bâtard du funeste couple formé par les économistes libéraux et la Commission européenne. En agitant le chiffon rouge qu’est le régime spécial de retraite des cheminots – que les Français ont de bonnes raisons de critiquer, là n’est pas la question – le gouvernement entend bouleverser notre modèle de solidarité nationale sans rien régler au « problème » des retraites. Lorsqu’on sait que 8 Français sur 10 sont rattachés au régime général des retraites et non pas à un « régime spécial », le débat n’est pas celui de la « simplification » ou de l’homogénéisation du système.
Le levier de la natalité
L’un des deux enjeux fondamentaux se trouve évidemment sur le plan démographique ! Le vieillissement de la population française est l’une des principales causes des dysfonctionnements du système des retraites. Nul besoin d’avoir écumé les couloirs de l’ENA pour comprendre que si la part des retraités s’accroît par rapport à celle des actifs, alors les pensions ne peuvent que diminuer et l’État devra toujours davantage puiser dans ses réserves. En refusant d’utiliser le levier de la natalité, qui fait pourtant partie des instruments classiques de la souveraineté d’un État depuis la nuit des temps, il est vain d’espérer « sauver » notre modèle de retraites, sauf à imaginer, comme l’a fait Jean-Paul Delevoye, l’importation de cinquante millions d’étrangers à l’échelle de l’Europe.
Et le chômage ?
Il est incroyable par ailleurs de parler d’un « problème » des retraites en évinçant la question du chômage massif qui frappe notre pays, dont un jeune de moins de 25 ans sur cinq. À partir du moment où l’on compte conserver un système de solidarité intergénérationnelle, comment ne pas s’évertuer tout d’abord à remédier à ce qui détruit nos emplois depuis des décennies, et donc qui limite le nombre de cotisants potentiels ? Cela implique évidemment une révolution dans la conduite des affaires économiques et d’en finir avec ce refus idéologique d’une politique protectionniste devenue vitale.
De l’inutilité et de la nocivité des blocages
Si nous sommes donc tout à fait opposés à la « réforme des retraites », pourquoi diable s’opposer systématiquement aux tentatives de blocages ou aux blocages effectifs entrepris par les syndicats étudiants d’extrême-gauche ?
Un moyen d’action inutile…
En premier lieu, un peu de recul par rapport aux épisodes de blocages précédents nous montre que cette façon d’agir a largement fait les preuves de son inutilité et même de sa contre-productivité. Qui se souvient des victoires remportées par la « Commune libre de Tolbiac » ? Ce qu’il en est resté ? Un chien au fort potentiel memetique, Guevara, et des images de soirées permettant de comprendre que l’un des ressorts essentiels de la mobilisation « étudiante » réside dans la possibilité de faire ressortir l’homo festivus qui sommeille chez tout rebelle autoproclamé.
Deuxièmement, il faut être né de la dernière pluie pour ne pas comprendre la stratégie de l’extrême-gauche dans ces périodes de crise sociale nationale. La défense des pensions de nos retraités n’a jamais fait partie de leur agenda militant, et leur soi-disant souci du futur des jeunes générations est d’une hypocrisie totale lorsqu’on sait qu’ils font partie des principaux responsables de la perte de valeur de nos diplômes et de prestige de nos universités, ce qui peut d’ailleurs se résumer en quatre lettres : UNEF.
… non nécessaire
Troisièmement, peut-on soutenir la méthode de la grève tout en s’opposant à celle du blocage d’université ? Bien évidemment. Il ne s’agit pas de soutenir toutes les grèves, celles des cheminots qui bloquent tout le pays posent question par exemple, mais on peut soutenir le droit de grève tout en étant fermement opposé au principe même du blocage. En effet, faire grève consiste à ne pas se rendre à son travail, et c’est par effet indirect qu’autrui est bloqué (en ne pouvant pas prendre son métro par exemple). Bloquer une université revient à empêcher directement les autres étudiants de se rendre en cours, à occuper – et dégrader – des locaux publics, en poussant le vice jusqu’à pratiquer une forme d’inversion de la réalité en parlant de « fac ouverte ». Les militants d’extrême gauche veulent « faire grève » en n’allant pas en cours ? Grand bien leur fasse. C’est un principe idiot puisqu’il n’est pas question de « grève » s’ils ne sont pas salariés, puisqu’ils sont bénéficiaires du service public et non prestataires, mais après tout ils ne dérangeraient personne et les autres étudiants seraient libres de travailler pour obtenir leur diplôme. Mais leur militantisme n’a pas à perturber et pénaliser ceux qui n’ont pas les mêmes opinions qu’eux, ou qui simplement considèrent qu’ils sont à la fac pour travailler et non pas pour faire des amphithéâtres des dortoirs inclusifs ou cuisiner des brocolis.
… et aux visées manipulatoires
Ce qui les intéresse en réalité dans l’organisation des blocus, c’est la « massification » : comprendre le dépassement de l’entre-soi syndicaliste (UNEF, Solidaires et compagnie) pour mettre à leur service le plus grand nombre possible d’étudiants. Les fameuses « assemblées générales », ou AG, servent ainsi de centres de recrutement et d’endoctrinement, où la foule est chauffée à l’aide de revendications niaises mais terriblement efficaces, et où la construction d’un ennemi fantasmé (les CRS qui interviennent, la direction de l’université présentée comme complice du gouvernement, la diabolisation de l’opposition) permet de légitimer la « lutte ».
Bref, le rejet de la réforme des retraites ou de toute autre initiative gouvernementale est toujours le prétexte trouvé à ce qui n’est en fait qu’une tentative de gonfler ses rangs militants et d’acquérir de la main d’œuvre électorale à peu de frais (l’extrême-gauche bénéficiant d’une impunité assez exceptionnelle). La Cocarde Étudiante n’est pas dupe de ce petit jeu, et il est donc dans l’intérêt de tous de briser partout et tout le temps la légitimité que tente d’accumuler l’extrême-gauche. Bien que le feu de la mobilisation gauchiste ait pour le moment le plus grand mal à prendre, il ne fait aucun doute qu’ils n’accepteront pas de subir un tel revers, ne serait-ce que pour une question d’image et de crédibilité.
Faire bloc contre Macron
La position de La Cocarde Étudiante est donc très claire : nous rejetons absolument tout ce dont la Macronie peut accoucher, et c’est pourquoi nous refusons que les meilleurs amis du pouvoir en place (vous aurez reconnu l’extrême-gauche) fassent leur beurre sur le dos des colères sociales du peuple. Nous avons trop vu leur extraordinaire don de pourrir tous les élans populaires qu’elle prétend soutenir, ce dont les Gilets jaunes ont été l’illustration parfaite.
Il est donc essentiel que la rue et la contestation politique, aujourd’hui ou au cours des futures échéances populaires qui ne manqueront pas de survenir d’ici la fin du mandat, ne soient pas laissées à ceux qui en revendiquent le monopole. De ce point de vue, l’on ne peut que se réjouir de voir toujours davantage de corps de métiers faire bloc contre la politique de Macron dans son ensemble, des agriculteurs aux pompiers en passant par les infirmiers et les professions libérales. Et l’on ne peut que donner raison à Jérôme Sainte-Marie en espérant que, de l’affrontement entre les blocs « élitaire » et « populaire » qu’il analyse et annonce, le dernier sorte vainqueur le plus rapidement possible.