L’immigration étudiante mise en contexte
La loi immigration votée le mardi 19 décembre 2023 met en place de nouvelles mesures destinées aux étudiants étrangers1, telles que la restriction du nombre de quotas d’installation en France à l’issue de leurs études, l’augmentation des frais de scolarité pour ceux d’entre eux qui sont extra-européens, ou encore le versement d’une caution afin d’obtenir un visa français. Ce texte de loi n’a pas manqué de faire réagir divers présidents de facultés2, faisant fi de la neutralité qu’ils sont supposés adopter dans l’exercice de leur fonction. D’après les chiffres officiels de l’INSEE3, la population étudiante au sein des universités françaises est estimée à 1 597 700 personnes, étrangers inclus. Pour entrer dans le sujet et être plus précis, 400 000 étudiants étrangers étaient inscrits dans un cursus universitaire dans notre pays en 2023 selon Campus France4, un nombre en augmentation de 21% au cours de ces cinq dernières années. Cependant, malgré la bonne volonté de la majorité de ces arrivants, on peut certainement trouver parmi ces individus des personnes malhonnêtes qui viendraient profiter de la (trop) grande générosité française. Ainsi, l’immigration étudiante doit-elle être traitée comme toutes les autres filières d’immigration ? Faut-il la restreindre, la tolérer ou l’encourager ?
Les raisons et les avantages de l’immigration étudiante
Avant toute chose, il convient de rappeler les diverses raisons positives et louables entraînant ce phénomène d’immigration étudiante : effectuer un échange universitaire dans le cadre du programme Erasmus ou d’accords bilatéraux permet d’approfondir sa maîtrise des langues étrangères, de compléter sa formation obtenue dans son pays d’origine avec l’obtention d’un diplôme étranger, de découvrir d’autres méthodes de formation, ainsi que s’ouvrir à d’autres cultures et de développer une faculté d’adaptation… Dans ce but précis, venir étudier en France est possible par le biais du précieux sésame qu’est le titre de séjour : en 2022, 101 250 admissions au titre d’étudiant ont été effectuées5, devenant ainsi le premier motif d’attribution d’un titre de séjour en France, devant l’immigration familiale. Ces personnes sont principalement originaires du Maroc, d’Algérie, de Tunisie et des États-Unis, pour les quatre nationalités les plus représentées5.
Ceci étant dit, l’immigration étudiante présente tout de même certains avantages. En général, les personnes provenant de ce flux migratoire sont bien plus qualifiées que celles provenant d’autres flux migratoires : ce phénomène accroît l’immigration qualifiée et la main-d’œuvre importée, utiles à de nombreux secteurs. De plus, si ces étudiants étrangers reviennent à terme dans leur pays d’origine, ils pourront développer leur nation par le biais de leur formation et de leur expérience, et contribuer par la même occasion au prestige et au rayonnement de l’enseignement supérieur français. Aussi, ces échanges de connaissances, de savoir-faire et de talents permettent de tisser des liens académiques entre la France et d’autres pays à travers le monde, avec idéalement une réciprocité des échanges d’étudiants.
Les limites et les inconvénients de l’immigration étudiante
Cependant, l’immigration étudiante, comme les autres filières d’immigration, n’est pas exempt d’inconvénients notables, et pas des moindres : cette politique migratoire engendre des coûts liés aux subventions publiques de l’enseignement supérieur et à l’accès à la Sécurité sociale grâce au statut d’étudiant, mais peut également être à l’origine de l’arrivée sur notre territoire de personnes qui viennent “étudier” en France pour la bourse du CROUS et les diverses aides sociales… Selon la base AGDREF (Application de gestion des dossiers de ressortissants étrangers en France) du Ministère de l’Intérieur6, si les étudiants étrangers représentaient entre 2000 et 2018 seulement un quart des personnes sur le territoire français issues de l’immigration, le flux d’étudiants étrangers sur le territoire est depuis en hausse constante, pour atteindre 65 786 personnes en 2018, accompagnant par la même occasion la hausse continue du flux migratoire total en direction de la France. Néanmoins, la statistique la plus marquante révèle qu’en moyenne cinq ans après son arrivée en France par le biais du statut étudiant, près d’un étranger sur deux résidait toujours en France en 2018 : il ne faut donc pas négliger le contrôle strict de cette voie migratoire.
Finalement, l’immigration étudiante ne serait-elle pas devenue aujourd’hui une nouvelle filière d’immigration massive, au même titre que les demandes d’asile ? D’après les chiffres de la Direction générale des étrangers en France, 56 179 demandes d’asile ont été acceptées en 20227. Or, dans sa conception originelle, l’asile est destiné à un petit nombre de personnes persécutées à travers le monde, pour des motifs précis, définis et portant gravement atteinte à leur vie, que la France peut bien évidemment accueillir avec dignité et humanité. Cependant, cette filière migratoire a été complètement dévoyée, et ce, au même titre que le statut d’étudiant étranger : en effet, si beaucoup d’arrivants sont des personnes de bonne volonté venant effectivement étudier au sein de nos universités, un nombre non négligeable d’entre eux utilise cette voie d’entrée afin de s’installer sur notre sol ; par une voie légale ils entrent ainsi sur le territoire pour ensuite rester et s’y installer non plus forcément de manière conforme à la loi. Enfin, l’accueil inconditionnel des étudiants étrangers (dont d’éventuels “faux étudiants”) met en concurrence ces derniers avec les étudiants français dans de nombreux domaines, tels que les places en faculté, le logement ou encore l’accès aux prestations sociales…
Concernant spécifiquement les logements étudiants CROUS, leur nombre est largement inférieur en proportion à la population étudiante de notre pays (Français et étrangers compris), et cela mène à une saturation générale, voire à une préférence étrangère assumée, comme le démontre la récente décision du Crous de Bordeaux-Aquitaine de “réserver des places prioritaires sur son parc de logement pour les étudiants sénégalais8”, encore une fois au détriment des nôtres. De ce fait, seule la priorité nationale est en mesure de régler cette situation intenable sur le long-terme, tout en réservant un petit quota pour les étudiants étrangers souhaitant étudier et se former sérieusement en France.
Vers une restriction de l’immigration étudiante ?
La solution à cette immigration estudiantine de masse, et les maux qui l’accompagne, réside dans un contrôle drastique et un tri efficace : l’immigration étudiante doit être restreinte au maximum afin de sélectionner des profils qui peuvent réellement apporter une plus-value à notre pays, puisque le plus bel avantage de l’immigration étudiante reste celui de permettre à des personnes motivées et à des élites étrangères de venir se former en France. Néanmoins, la France ne peut continuer d’accueillir inconditionnellement autant d’étudiants étrangers au risque d’instaurer une concurrence mortifère entre autochtones et immigrés, le tout dans un contexte de précarité étudiante et de crise du logement.
Théo A.
Sources :
1 Lou Roméo, “Ce que prévoit la loi immigration pour les étudiants étrangers”, Le Point, 22/12/2023
2“Communiqué des présidentes et des présidents d’université relatif au projet de loi immigration”, Université Paris Nanterre, 19/12/2023
3 “Effectifs d’élèves et d’étudiants – Données annuelles de 1980 à 2022”, INSEE
4 “Chiffres clés 2023 : 6,4 millions d’étudiants en mobilité internationale”, Campus France
5 “Immigration : les chiffres pour 2022”, Vie publique, 22/06/2023
6 Hippolyte d’Albis & Ekrame Boubtane, “Les étudiants internationaux : des immigrés comme les autres ?”, La Vie des Idées
7 “Les demandes d’asile”, Direction générale des étrangers en France / Département des statistiques, des études et de la documentation, 26/01/2023
8 Paul-Henri Wallet, “Bordeaux : des chambres Crous réservées aux étudiants sénégalais suscitent la polémique”, Le Figaro Étudiant, 08/01/2024