Le projet de fusion Paris IV-Paris VI: une menace pour les Humanités

le communiqué de la cocarde étudiante contre la fusion des universités sorbonne IV et VI

« Les universités sont des entreprises comme les autres ! ». Dans une volonté de participer au « marché commun de la recherche » et à l’ « économie de la connaissance » encouragés par les instances européennes, il faudrait rendre plus rentables, plus efficaces, et surtout plus compétitives nos vieilles universités françaises supposées sclérosées. Finie la tradition scientifique européenne qui chérissait l’idéal d’une quête de savoirs désintéressée, finie la connaissance en soi et pour soi. L’élève est un étudiant-client dont il faut préparer l’insertion professionnelle immédiate, si possible à moindre coût car l’éducation, dans un contexte de vaches maigres budgétaire, n’est plus perçue comme un investissement à long terme. Il est temps que les agents du service public se muent en ascètes de la performance. Ringarde, la culture ! Vive la culture, mais celle du résultat et du chiffre.

Car derrière les arguments de potentielles économies d’échelle et de « partage des compétences », c’est bien l’espérance de grignoter quelques places dans les classements internationaux qui est à l’oeuvre. Prise sous les feux croisés d’une multitude d’indicateurs et d’outils de mesure, l’université est « chiffrée » et se doit de compenser son prétendu « retard » dans le très médiatisé classement de Shanghaï, lequel, sous couvert d’information, agit comme justificateur de réformes invitant les universités françaises à s’engager pleinement dans la compétition internationale. Pour ceci, il faut être nombreux, il faut concentrer élèves, enseignants, chercheurs et personnels afin de « peser », de multiplier les publications scientifiques, etc. C’est tout le pari du gigantisme, de la folie des grandeurs.

L’université est également prisonnière du carcan des appels à projets et des « investissements d’avenir ». Il ne serait plus pensable d’espérer survivre sans l’obtention des si précieux Idex (Initiatives d’excellence), qui permettent d’obtenir des fonds pour financer les Labex (laboratoires d’excellence) et les Equipex (équipements d’excellence). Or quoi de mieux qu’une fusion pour espérer engranger plus facilement des Idex, dans un système qui fait le choix de les allouer prioritairement aux universités de recherche de rang mondial ? Un fonctionnement par projets qui oriente les recherches puisqu’il faut sélectionner des thèmes en vogue, et qui rend les universités dépendantes du monde extérieur et de ses financements…

Comment s’aveugler au point de ne pas voir que les filières peu visibles ou peu rentables – que sont les lettres ou les sciences humaines et sociales – soient à plus long terme abandonnées ou laissées pour compte quand on se lance dans ce type de concurrence internationale ? Ce sont logiquement les disciplines scientifiques et biomédicales qui, dans une vision économiste de la rentabilité intellectuelle, sont susceptibles de multiplier les interactions avec les entreprises ou de décrocher les appels d’offre d’aide à la recherche des organismes nationaux ou internationaux. Ces disciplines, valorisées dans les classements internationaux, prendront une part croissante des ressources internes des universités quand celles-ci seront pluridisciplinaires. Le projet de fusion des universités de Paris IV Sorbonne et de Paris VI (UPMC), c’est-à-dire d’une université de lettres et de sciences humaines et d’un établissement de sciences dures et médecine, laisse donc planer à moyen et long terme une lourde menace sur notre tradition des «humanités». Il faut en finir avec cette course folle à la démesure et à la compétitivité.

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