Nous le savons tous, l’épidémie du Covid 19 a beaucoup perturbé le passage des examens et des concours pour les étudiants. Certains étudiants sont cependant plus touchés encore par la situation que d’autres, et c’est le cas des étudiants de PACES (première année commune aux études de santés). Les nouvelles modalités du concours décidées, comme à Toulouse, sont source d’une grande inquiétude, et plusieurs problèmes se posent : l’égalité des chances, le respect des conditions sanitaires, la valeur du diplôme…. Afin de mieux comprendre la situation, nous nous sommes entretenus avec plusieurs étudiants, et voici leur témoignage.
Des circonstances exceptionnelles
Ils nous rappellent déjà la spécificité de leur cursus, où l’année est strictement divisée en deux, chaque partie étant composée de trois mois de cours, de trois semaines de révisions, puis d’une semaine de concours. Or cette année, avec la fin forcée des cours dès mars, c’est environ 40% du programme qui a été purement et simplement amputé. Et impossibilité de bénéficier de cours en ligne avec la même facilité que d’autres cursus universitaires puisque les professeurs, qui sont à la fois médecins, ont été et sont encore pleinement engagés en première ligne dans la lutte contre la pandémie de Covid-19.
À ces circonstances exceptionnelles est évidemment venue s’ajouter l’incertitude, puisque pendant deux précieuses semaines, lorsque le gouvernement était incapable de dégager une politique claire et précise, les étudiants en médecine estiment, à l’image de cette étudiante toulousaine, « on a été délaissé, on ne savait pas si on devait travailler les cours de notre côté, si on allait avoir des cours sur internet, rien. »
D’autres étudiants font état d’un très fort sentiment de frustration puisque, comme un étudiant nous le raconte, il faisait partie de ceux qui avaient fourni d’importants efforts afin d’anticiper et de travailler la suite des programmes, lesquels n’auront pas vu le jour et ne seront donc pas évalués.
Les nouvelles conditions du concours
Une étudiante à Toulouse nous informe que c’est à leur plus grande surprise qu’ils ont appris du jour au lendemain l’établissement de nouvelles modalités d’examen. Habituellement étalées sur cinq jours, les épreuves seront bouclées en 1h30. « On va jouer notre année, et pour les redoublants, deux ans, sur 1h30 ! » nous dit-elle avec désarroi. La seule épreuve rédactionnelle (UE7) est passée sous forme de QCM, et le nombre global de QCM a été divisé par 3 voire 4 pour certaines épreuves.
Pourquoi ne pas se réjouir d’un programme et d’épreuves allégées ? Un étudiant nous le fait comprendre : « Ce nouveau concours n’est pas représentatif du travail fourni ! On travaille toute l’année plus de 12h par jour pour être évalué sur 8 QCM en 15 min … c’est clairement déroutant, on a l’impression d’avoir sacrifié beaucoup pour rien. »
Par ailleurs le QCM se trouve survalorisé par rapport à d’habitude, et la moindre faute est donc bien plus pénalisante que d’ordinaire. C’est la frustration qui prédomine, car dans ce type d’épreuve les révisions fournies ne peuvent s’exprimer pleinement. « À cause de ces modalités, les résultats de l’année sont quasiment déjà joués ! » nous dit un étudiant, puisqu’en effet les premiers du S1 ont toutes les chances d’être également les premiers du S2, dès lors que, poursuit-il « ce ne sont pas 8 QCM qui vont permettre de gagner des places et de faire ses preuves… ».
Que le QCM prenne une telle importance inquiète d’autres étudiants, qui y voient une trop grande place faite au facteur « chance », ce qui les démobilise : « je me demande même si ça sert vraiment d’apprendre vue qu’il y a une grande part de chance maintenant… ». Un autre étudiant va dans le même sens : « Cette nouvelle modalité valorise plus le hasard et la chance à la véritable connaissance ».
Par ailleurs, ces impressions se doublent d’un sentiment d’injustice pour les « doublants », qui sont traditionnellement très nombreux dans cette filière, mais qui ne pourront pas mettre à profit leur avantage d’expérience et de travail accumulé. Baisse de la motivation aussi, et par exemple chez les « primants », ceux qui tentent le concours pour la première fois. Certains de ceux qui ont enregistré des résultats peu encourageants au cours de la première partie de l’année estiment qu’avec les nouvelles modalités, ils n’ont plus les mêmes espoirs de rattraper ce retard, et baissent les bras.
Des inquiétudes pour l’avenir
Au-delà des conditions sanitaires dans lesquelles pourront se dérouler les épreuves, avec des paquets de 1 000 étudiants, ce sont les conséquences de ces nouvelles modalités qui inquiètent les étudiants en PACES.
Et d’abord le sentiment que le travail accompli ne sera pas jugé et donc pas récompensé comme il devrait l’être. « Ils ne prennent pas en compte tout le travail qu’on a fait, ça fait deux ans pour ma part que je bosse pour ce concours et il va se jouer sur un coup de poker au final. » nous dit dépitée cette étudiante toulousaine. « Certains le méritent sans doute plus mais ne pourront juste pas étaler leurs connaissances ». Dans cette histoire, les valeurs du mérite et de la juste récompense du travail fourni sont des victimes collatérales.
Dans la panique du moment, ils pensent aussi à l’avenir s’ils sont promus : les lauréats seront-ils perçus comme la « promo Covid », celle qui aura bénéficié d’un concours « au rabais » sans avoir acquis la totalité des bases habituellement demandées ? L’inquiétude est légitime. Certains ont dès lors déjà prévu de mettre les bouchées doubles dès la fin du concours s’ils l’obtiennent, car ils savent très bien qu’il leur faudra fournir un travail considérable durant l’été afin de digérer toute la partie du programme qui n’a pas pu être enseignée !
Que faire ?
Les étudiants qui nous ont écrit ou dont nous avons recueilli les témoignages n’ont pas de solution miracle, mais ils ne comprennent pas pourquoi leur université, à l’instar de toutes les autres en France, ne conserve pas les mêmes temps d’épreuve. Il pourrait être envisagé aussi de changer les coefficients des épreuves pour que cela soit plus égalitaire. Pas de solution miracle, mais une exigence, qui est la nôtre aussi : que la solution retenue permette à chaque étudiant de déployer son plein potentiel et que les modalités choisies permettent l’expression du travail fourni tout au long de l’année voire de l’année précédente également pour les doublants. Nous y veillerons !