Dans le cadre de la mission Egalité et lutte contre les discriminations, la Sorbonne a décidé cette année de faire sa rentrée 2021 sous le signe de l’Égalité. Aux programmes : Conférences, Documentaires, Théâtres, activités, tables-rondes, échanges … L’égalité est ce mot creux derrière lequel on se réfugie pour se donner une bonne image et ainsi jouir de son prestige. On se drape dans l’égalité comme dans un manteau, et nous voilà rhabillé pour l’hiver. Mais avant de suivre naïvement ceux qui proclament la liberté à tout bout de champ comme un slogan publicitaire, ne faudrait-il pas en questionner la charge sémantique ? Que met-on derrière ce mot fourre-tout ?
La recherche de l’égalité, ça rend malheureux
L’égalité est un concept algébrique issu de la pure abstraction de l’esprit, par conséquent elle ne trouve pas d’équivalent dans le monde réel. C’est une quête filandreuse qu’on poursuit mais qui provoque la déception. Ceux qui cherchent à s’y agripper s’enfoncent avec volupté dans un abîme d’illusions et cette chute les rend pessimistes. Ce sont eux les “papillons fatigués” dont parlait Nietzsche, essoufflés de heurter un plafond infranchissable. Le problème survient quand cette déception produit une radicalité dans le discours et un fort ressentiment. Ne pouvant pas faire correspondre la réalité à l’idéal, ils finissent par construire leur propre réalité illusoire dans laquelle Femmes et Hommes seraient des ennemis ad vitam aeternam. Monique Wittig par exemple, figure de proue du féminisme des années 70, considère l’hétérosexualité comme un régime esclavagiste et répressif instauré par les hommes. Accablé par cette pseudo-réalité reconstruite, on se sent heurté, choqué, agressé. Alors on se drape dans son malheur comme dans un manteau et on crie aux autres, regardez comme je suis malheureux ! Cette idéalisme déçu provoque ainsi une hypertrophie de la sensibilité, et conduit paradoxalement à criminaliser tout discours qui serait jugé comme déviant. Ainsi, à la réflexion logique succède la réaction émotionnelle. Au nom de l’Égalité on va interdire de choquer, de blesser, en somme d’exprimer une idée contraire qui viendrait faire tâche dans un espace aseptisé. Au nom de l’Égalité on crée un climat individualiste et totalitaire. Individualiste car il est fixé sur l’émotion et la sensibilité personnelle, totalitaire car il s’impose à tous et recouvre la liberté de ton d’une chape de plomb étouffante.
Éloge de l’archétype du langage
En fixant le baromètre du possible sur l’Égalité on paralyse la pensée et ce faisant on aboutit à l’anéantissement du verbe. Ce qui gêne l’Égalité c’est la généralisation. Dire les hommes et les femmes c’est risquer de heurter la sensibilité de quelqu’un qui ne se sentirait pas correspondre à ce que le lui/elle perçoit comme une assignation de genre. Mais toute la pensée s’est construite sur l’archétype. Le langage lui-même est intrinsèquement archétypal puisqu’un signe renvoie à différents signifiés. Dire “rose” pour désigner toutes les roses que la terre a connues est vraiment scandaleux, il y a généralisation ! Et bientôt dans les jardins on ne verra plus des roses, mais des partisans de la révolte des roses ! Molière, Aristophane, La Bruyère, Euripide, La Fontaine, toute la littérature est fondée sur l’archétype. Même la sociologie se fixe sur les tendances et les statistiques pour produire ses analyses, ainsi ils disent : “tel groupe agit de telle sorte, tel individu, parce qu’il est de telle engeance pense ainsi etc.” La généralisation n’est pas un prison, c’est le premier pas de la pensée. Il ne faut pas se sentir heurter par le biologique femme/homme. Le biologique, le chimique, le physiologique et le psychologique dialoguent entre eux, comme les bois, les vents, les cuivrent participent du même orchestre. La généralisation n’est pas un mur c’est une fenêtre.
Mais est-ce bien le rôle de l’Université que de se positionner ainsi ?
Pour une Université sans « Égalité »
Nous regrettons que l’Université pollue les campus de cette pesanteur idéologique qui divise plus qu’elle ne rapproche. Son rôle n’est-il pas celui d’un sanctuaire de la connaissance, d’une citadelle de la vérité ? Pourquoi s’engoncer dans ces platitudes politiques de l’époque qui nivellent toute tentative d’élévation vers le bas ? Le rôle de l’Université n’est pas d’éduquer moralement et de nous dire quoi penser, mais c’est d’enseigner et d’instruire.
Nous, étudiants anti conformistes, nous percevons cette volonté de formater les esprits comme une forme d’infantilisation à laquelle nous refusons de nous soumettre.
Une autre approche des relations hommes/femmes est possible, qui évite les deux travers que sont l’idéologie de l’Égalité et l’opposition radicale entre les sexes, deux maux qui d’ailleurs se nourrissent l’un l’autre. C’est celle que nous partageons à La Cocarde Étudiante, et nous aurons l’occasion d’y revenir.